On l’attendait avec impatience, ce deuxième roman de l’Écossais Douglas Stuart. Et malgré la barre qu’il a placée haut avec Shuggie Bain (son premier titre), Mungo réussit à produire ce même enchantement tragique et irrésistible qui fait de ses livres des histoires inoubliables.

Le Glasgow de Douglas Stuart est à des années-lumière de l’opulence victorienne de l’ouest de la ville. On est ici dans l’East End des années 1990, un quartier miné par le chômage laissé par les réformes de Margaret Thatcher durant la décennie précédente ; où les guerres de gangs entre jeunes catholiques et protestants sont la messe des samedis soir, et les coups de couteau dessinent ce fameux « sourire de Glasgow » qui a longtemps donné à la ville sa mauvaise réputation.

C’est au milieu de cette violence que grandit Mungo, un adolescent solitaire de 15 ans dont la douceur dérange les autres garçons – en particulier son frère aîné, qui est le chef d’une bande de jeunes protestants délinquants. Sa mère, qui élève seule ses trois enfants depuis la mort de leur père, est le portrait craché de celle de Shuggie Bain : absente, alcoolique et terriblement égocentrique. Malgré tout, Mungo lui voue une adoration inconditionnelle.

Lorsqu’il s’éprend d’un jeune catholique, il est forcé de cacher leur relation – condamnable à tous les points de vue en raison de leur différence de religion et de l’homophobie ambiante. Mais leur secret ne tiendra pas bien longtemps et lorsque sa mère découvre le pot aux roses, elle décide de l’envoyer pour un week-end de pêche en compagnie de deux inconnus rencontrés à ses réunions des Alcooliques anonymes, soi-disant pour « en faire un homme ».

Cette escapade au bord d’un loch vire rapidement au cauchemar. Douglas Stuart narre en alternance les évènements qui ont eu lieu au cours de cette fin de semaine fatidique et les mois qui l’ont précédée, créant une tension croissante qui nous a fait dévorer d’une traite la dernière centaine de pages. Seul bémol à noter : la traduction des dialogues dans un argot qui les rend parfois difficiles à comprendre. Mais l’histoire en vaut tellement le coup qu’on finit par surmonter cet inconfort et se laisser happer par l’intrigue. Il ne reste qu’à souhaiter que l’écrivain poursuivre sur sa lancée et continue d’entrebâiller cette lucarne sur une ville et un milieu dont il est devenu l’un des plus talentueux conteurs.

Mungo

Mungo

Globe

480 pages

8/10