(Londres) Même la reine consort s’en est mêlée : face au tollé provoqué au Royaume-Uni par la réécriture des livres de Roald Dahl pour supprimer des termes jugés offensants, son éditeur britannique a annoncé vendredi qu’il continuera à publier les versions originales dans une collection spéciale.

Puffin UK va publier les 17 livres concernés du célèbre écrivain pour enfants (1916-1990) dans le courant de cette année « pour garder en circulation les textes classiques de l’auteur » en parallèle de leurs nouvelles versions, destinées « aux enfants qui pourraient se trouver confrontés à ces écrits pour la première fois ».

L’affaire avait été révélée la semaine dernière par le quotidien conservateur Daily Telegraph. Les ayants-droit ont entrepris de lisser le langage de tous les romans pour enfants de l’auteur de James et la Grosse Pêche, Matilda et Charlie et la Chocolaterie adoré de plusieurs générations, mais qui a été dénoncé en particulier pour des propos antisémites.

Le nombre de termes modifiés est vaste, touchant à des questions considérées comme sensibles : race et ethnicité, genre, poids, apparence physique, santé mentale, violences, etc. Un personnage « énormément gros » est devenu « énorme ». « Un truc fou » est devenu « un truc bizarre ».

Dans un communiqué, Puffin UK a expliqué vendredi vouloir « donner le choix aux lecteurs » après avoir « écouté le débat, qui a réaffirmé l’extraordinaire pouvoir des livres de Roald Dahl et les questions très réelles sur la façon dont les histoires d’une autre époque peuvent rester pertinentes pour chaque nouvelle génération ».

« Les livres fantastiques de Roald Dahl sont souvent les premières histoires que les jeunes enfants lisent de manière indépendante et prendre soin de l’imagination et de l’esprit en plein développement des jeunes lecteurs est à la fois un privilège et une responsabilité », a néanmoins plaidé l’éditeur.

Critiques culturelles et politiques

En France, l’éditeur Gallimard Jeunesse a assuré qu’une réécriture n’était pas d’actualité.

La modification des livres a provoqué de nombreuses réactions indignées dans le monde littéraire et politique, dans un contexte de guerres culturelles.

Salman Rushdie a dénoncé une « censure absurde » et le premier ministre britannique Rishi Sunak a fait savoir préférer que les mots soient « préservés » plutôt que « retouchés ».

Lors d’une réception jeudi, la reine consort Camilla a appelé les écrivains à ne pas ne se laisser impressionner par « ceux qui veulent restreindre votre liberté d’expression ou imposer des limites à votre imagination », ajoutant en levant les yeux au ciel et souriant : « Tout est dit ».

Ces propos ont largement été interprétés comme une critique de la réécriture des livres de Roald Dahl.

Roald Dahl Story Company appartient aujourd’hui à un géant de la culture, la plateforme américaine Netflix, connu pour sa préférence pour les fictions dites « inclusives ».

La société a assuré vendredi avoir été « profondément touchée par la force des sentiments » exprimés depuis l’annonce de sa décision de revoir les textes. « Le plus important pour nous est que tout le monde puisse profiter de ces histoires », a-t-elle insisté dans un communiqué, saluant le choix de proposer deux versions.