Personne ne sera jamais nommé dans cette histoire. Sans doute parce que la victime, le coupable, de même que tous ceux qui les entourent et qui, par leurs gestes, possèdent eux aussi leur part de responsabilité dans le crime qui est au cœur du roman, pourraient avoir mille visages tant ce qui est décrit est une situation qui se répète trop souvent.

Avec Offenses, la Française Constance Debré entame un nouveau cycle qui se détache de l’inspiration autobiographique de ses précédents romans (Nom, Love Me Tender, Play Boy). Mais derrière les lignes se dessinent à gros traits les positions de cette ancienne avocate qui va jusqu’à écrire que « le droit est une farce ».

On est ici dans une cité comme il y en a tant en France. Le décor extérieur, on ne le découvrira qu’un peu plus tard parce qu’il y a d’abord cet appartement encombré, où l’on atterrit dès les premières pages ; une femme âgée est étendue sur le sol, gisant dans une mare de sang. Elle a reçu 10 coups de couteau.

Il se trouve que celui qui l’a poignardée est son jeune voisin. Le seul qui l’aidait à faire ses courses, le seul à dire « qu’il l’aimait bien », alors que son propre fils ne lui adressait même pas la parole quand il la croisait dans la rue.

On apprend rapidement que cette femme a été sauvagement assassinée pour une histoire d’argent. Mais le fil de la pelote qui se déroule en parallèle au procès pose une question fondamentale : peut-on reconnaître qu’un agresseur peut être avant tout une victime ?

Car le portrait qui se dessine est celui d’un jeune homme qui s’en veut d’avoir cru un instant pouvoir échapper à un environnement toxique, à sa famille dysfonctionnelle, aux revendeurs à qui il devait de l’argent après que son petit frère leur a volé de la drogue. Qui a cru qu’une autre vie pouvait lui être accessible, une vie où il travaillerait pour gagner sa vie plutôt qu’attendre le dépôt de ses allocations. Mais « peut-être qu’il y a des gens pour qui ce n’est pas possible », écrit Constance Debré avec une froideur chirurgicale et ce style télégraphique qui rendent sa plume si unique.

Dans une diatribe enflammée contre le système judiciaire, elle dénonce une justice qui est faite pour les gens bien nés – ceux qui, à son avis, ne connaîtront jamais le manque d’argent ou le manque d’amour, ou encore « comment ça vient le mal ». Et nous fait sortir de notre zone de confort avec audace, pour réfléchir au bien, au mal, à la fine frontière entre les deux, à la définition juridique d’un crime et à la responsabilité collective quand vient le temps de condamner ceux qui sont désignés comme étant les coupables.

Offenses

Offenses

Flammarion

128 pages

7/10