Poésie narrative et fortement originale, voire théâtrale avec des personnages bien identifiés, que nous offre Marie St-Hilaire-Tremblay avec son deuxième recueil. Le premier, Noctiluque, explorait déjà la vie animale. La poète s’intéresse cette fois à plus petit encore : l’ancolie, fleur aux jolis coloris, capable de survivre aux milliers d’insectes qui dévorent toutes ses feuilles.

Recueil sur la filiation, de sœur en mère en fille et petite-fille, il célèbre, d’une façon organique, la présence tant des vivantes que des mortes au-delà du deuil et par-delà ce qui paraîtrait logique ou même rationnel.

Pendant que la mère se noie dans la peine de la perte de sa plus jeune fille, la grande sœur continue de s’occuper du jardin en désertant l’étau de l’affliction. Elle « mesure l’azote et colmate les pores moches », même si « le vivant fuit » et que la mort s’immisce un peu partout : « je chique ma gomme et m’asperge à l’arsenic ».

Un effet temporisant, introduit par le personnage d’un garçon amoureux de la grande sœur, vient mêler les cartes. Mais les doutes et la culpabilité surgissent aussitôt. Comment ne pas trahir la sœur morte en s’affairant à la vie toute-puissante. Puis, révélation : « je choisis / le couvoir poreux / et vécus heureuse ».

L’écriture fragmentée de la poète tresse les feuilles rongées aux tiges et aux corolles sans perdre le fil narratif. Ainsi, les mortes portent des ailes et se mettent à ovuler. Elles se glissent dans l’esprit de la nouvelle-née, enfant de l’amour. La mémoire est sauvegardée grâce à cette petite fille qui « sème l’oxygène à l’instinct ».

L’ancolie

L’ancolie

Les herbes rouges

96 pages

7,5/10