Si on connaît le métier d’anthropologue judiciaire, c’est peut-être bien grâce à Kathy Reichs, dont les romans policiers ont même inspiré une série télé. Nous avons joint l’autrice américaine chez elle à Charlotte, en Caroline du Nord, pour lui parler de son tout nouveau titre, Dossiers non résolus.

Dossiers non résolus est le 21e roman avec Temperance Brennan. Votre héroïne — et votre relation avec elle — a-t-elle changé au cours des 25 dernières années ?

On a certainement appris à se connaître ! C’est important de faire en sorte que le personnage évolue, sinon les lecteurs vont s’en lasser. […] Je ne suis pas de ces écrivains qui disent : “Mon personnage a pris le contrôle.” C’est moi qui suis sur le clavier et je peux lui faire faire ce que je veux, mais je crois savoir ce qu’elle ferait et ce qu’elle ne ferait pas. Elle est certainement moins impétueuse qu’à ses débuts — dans le premier roman, Déjà dead [paru en anglais en 1997], elle partait seule faire des fouilles, ce qu’elle ne fait plus maintenant.

Vous abordez, dans Dossiers non résolus, un cas de vengeance où Temperance Brennan est elle-même la cible d’un criminel en raison de son implication dans plusieurs vieilles affaires…

J’ai beaucoup de lecteurs fidèles depuis des années qui ont lu tous les titres précédents ou au moins un grand nombre d’entre eux, et je me suis dit que ce serait amusant pour eux de les revisiter d’une certaine manière. Les lecteurs de polars aiment bien résoudre les crimes et trouver le coupable avant que l’auteur leur en donne la clé ; mon travail est de les laisser deviner jusqu’à la fin, avant de les surprendre. Mais je me disais qu’en plus de résoudre l’énigme principale, ceux qui connaissent la série se plairaient à essayer de deviner de quelles vieilles affaires il s’agit, de façon à ce qu’ils aient deux casse-têtes à résoudre. C’était aussi une bonne façon de donner un aperçu de la série à mes nouveaux lecteurs.

Est-ce que Temperance Brennan — qui est en quelque sorte votre alter ego — a inspiré de jeunes femmes à étudier en anthropologie judiciaire ?

J’ai tellement d’étudiantes qui sont venues me voir au fil des années pour savoir quels programmes choisir, où étudier. […] À mon époque, il n’y avait pas vraiment de formation officielle ou de programme universitaire. J’ai étudié la bioarchéologie et j’avais prévu de passer ma carrière à étudier des squelettes anciens. Et je crois que personne n’avait entendu parler d’anthropologie judiciaire dans ces années-là. Quand les policiers se retrouvaient avec des ossements dans une affaire, ils venaient me voir à l’université et m’apportaient des cas. C’est arrivé exactement comme je l’ai écrit dans une des nouvelles de mon livre Petite collection d’os. Je suis tombée là-dedans par accident et j’ai vraiment aimé la pertinence de mon apport.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Kathy Reichs au laboratoire des sciences judiciaires de Montréal, où elle travaillait en 2016.

Comment êtes-vous ensuite passée à l’écriture ?

En 1994, j’ai eu un poste [permanent] de professeure à l’université. Mais je ne voulais pas écrire un autre article scientifique et je venais de travailler sur une affaire de meurtres en série à Montréal. Je n’ai jamais utilisé les détails précis de l’affaire […], mais je me suis dit que ça pourrait faire connaître les sciences médico-légales à un public plus large. Je sentais que c’était dans l’air, les gens s’y intéressaient de plus en plus, et il était temps d’avoir un personnage de femme forte.

Vous avez d’ailleurs inspiré vos enfants à suivre vos traces dans l’écriture…

Deux de mes enfants ont étudié en droit et pratiqué brièvement avant de décider que ce n’était pas vraiment pour eux. Mon fils a travaillé deux ans comme avocat avant de me proposer d’écrire une série pour jeunes adultes avec lui. Et c’est ce qu’on a fait ; il a quitté son emploi et on a écrit la série Viral, qui suit la petite-nièce de Temperance Brennan et ses amis. On a travaillé sur six livres puis il m’a larguée, et maintenant il écrit ses propres livres ! Ma fille aînée, elle, écrit des livres dans un tout autre genre. Ils ont tous les deux le luxe d’être des écrivains à temps plein, alors que moi [quand j’ai commencé à écrire], je devais trouver du temps entre mes deux carrières à temps plein. C’est pour cette raison que ça m’a pris deux ans pour écrire mon premier roman.

Est-ce qu’il y aura un 22e roman à la série ?

Il s’appellera The Bone Hacker et il est prévu pour août prochain en anglais, donc un peu plus tard en français.

Dossiers non résolus

Dossiers non résolus

Robert Laffont

376 pages