On ne naît pas féministe, dit-on.

Mais voici comment Pascale Navarro l’est devenue. C’est la réflexion qui s’impose à la suite de la lecture de sa très intime Classe de danse, deuxième incursion de la journaliste et essayiste dans l’univers du récit. Après La menthe et le cumin (2020), où elle racontait les plats significatifs de son enfance, la voici qui décrit sa passion pour la danse. Sa dévotion. Et son désenchantement.

De 8 à 18 ans, elle y a consacré sa vie. Son corps. Et, en prime, son âme. L’autrice d’Interdit aux femmes et de Pour en finir avec la modestie féminine revient sur ces 10 années de sa vie à travers de courts chapitres techniques consacrés à tous les exercices et autres mouvements qui ont ponctué son quotidien. Pliés, pas de deux et débordés sont aussi chaque fois associés à une musique (Satie, Kate Bush ou Michel Rivard), ce qui ajoute une touche de concret et d’émotion au propos, qu’on sait d’emblée chargé.

C’est pourtant tout en sobriété, avec quelques insinuations discrètes, qu’on devine finalement que malgré toute la sublimation de son art, son investissement et son acharnement, le rêve doré de la ballerine ne se concrétisera pas. Parce que trop grande, pas assez maigre, le château de cartes s’écroulera. C’est dit : les grandes et autres plantureuses danseuses n’ont pas leur place aux Grands Ballets (ou n’avaient pas leur place, une note en fin de texte précise en effet que les « écoles de danse ont, depuis quarante ans, évolué. […] Peut-être pas partout, mais de plus en plus. »)

Sauf qu’en dépit d’autres évènements traumatisants (sur lesquels elle ne glisse qu’un mot, on en aurait assurément pris plus), elle rebondira. Avec autant d’acharnement. Moins à la barre qu’à l’écrit. C’était écrit. Sous des airs de roman sur la danse, on a là un véritable (quoique pudique) récit initiatique.

La classe de danse

La classe de danse

Leméac

110 pages

7/10