Lise Tremblay revient à la nouvelle, genre qui lui avait valu plusieurs honneurs pour La Héronnière, dont le Prix des libraires en 2004. Dans Rang de la Dérive, l’autrice de La sœur de Judith explore en cinq récits un seul sujet : des femmes au début de la soixantaine qui, après une rupture amoureuse, doivent apprendre à se reconstruire.

Rang de la Dérive est un livre qui dessine une image peu réjouissante du couple, et où les hommes ont le mauvais rôle : lâches et égocentriques, au bas mot. Le portrait est implacable, et la prose ciselée, simple et directe de Lise Tremblay ne fait que le rendre plus cruel.

Les femmes des cinq nouvelles sont toutes les facettes d’une même histoire, elles se sont sacrifiées dans une relation basée sur un déséquilibre, que ce soit dans le charisme, l’âge, la renommée, l’investissement amoureux. Après le choc de la rupture, il y a la honte et la peine, mais elles marcheront aussi vers une sorte d’émancipation, parfois en jetant tout par-dessus bord : il n’est jamais trop tard pour être libre.

La solidarité féminine leur sera d’une grande aide sur le chemin de l’apaisement. C’est un des aspects les plus lumineux de ce livre, qui a l’immense mérite de donner la parole à des femmes vieillissantes, qu’on n’entend que trop rarement, tant dans la société que dans la fiction.

Le décliner en cinq histoires est cependant peut-être un processus un peu trop appuyé. Il reste l’impression d’un recueil lucide et franc, qui n’a pas peur d’aller sonder la douleur jusqu’au tréfonds, qui regarde la mort en face et qui redonne à ses personnages le contrôle sur leur vie.

« Et j’allais commencer doucement à vieillir dans cet appartement. » Lise Tremblay dépose ainsi la dernière phrase de la dernière histoire comme un cadeau : celui de la dignité retrouvée.

Rang de la Dérive

Rang de la Dérive

Boréal

144 pages

7/10