Étrange roman que voilà. Mystérieux. Opaque. Obscure. Quoique savoureux globalement. Même si on ne comprend pas tout par longs bouts.

Écrit comme une lettre (un monologue ?) intemporelle, au « je », à un certain Jeffers (de qui s’agit-il, on ne le saura pour ainsi dire jamais), La dépendance (un habile jeu de mots, vous verrez) raconte l’histoire d’une certaine M., femme dans la cinquantaine au passé trouble (et surtout à l’infini manque de confiance en soi), qui tombe un jour sous le charme artistique de L., un artiste de renom. M. décide donc d’inviter L. dans sa « dépendance », sorte d’annexe à sa maison de campagne (avec son deuxième mari Tony, un homme énigmatique de peu de mots), qu’elle exploite plus ou moins à titre de résidence d’artistes.

Vous suivez ? Le dernier roman de Rachel Cusk (en lice pour le Booker Prize l’an dernier), autrice d’origine canadienne à qui l’on doit notamment La vie domestique (adapté au cinéma), comporte son lot de zones grises, c’est le moins qu’on puisse dire. Et c’est voulu. Vous saurez (presque) tout en tournant la dernière page. C’est brillant et décevant à la fois.

Mais revenons à l’intrigue : sans rien divulgâcher, disons simplement que L. acceptera finalement l’invitation, en se présentant avec une jeune « amie » (Brett), que la fille de M. sera de la partie avec son amoureux, et que tout ce beau monde vivra un huis clos aussi improbable que délectable. Au sens grinçant du terme. C’est que L. et sa douce seront odieux (le mot est faible, plutôt carrément abjects) et M., limite pathétique.

L’autrice, toujours incisive, nous perd par moments dans de longues digressions. Elle est toutefois au sommet de son art quand elle s’attaque aux complexités des relations humaines. Et disons qu’il y a amplement matière ici.

La dépendance

La dépendance

Gallimard

199 pages

7/10