Flottant dans le brouillard de notre époque, l’ignorance et la peur peuvent gagner quiconque songe en même temps aux guerres, aux virus mortels et à la planète moribonde. Joël Pourbaix y échappe en levant les yeux vers le ciel. Il fouille sans repos l’infini... et plus loin encore, oserait-on ajouter.

L’observation du cosmos nous renvoie à la petite place que nous occupons dans l’univers tout en nous amenant, d’un autre côté, à continuer de rêver encore et encore. Le poète y a trouvé matière « à accueillir l’immensité [qui] préserve notre humanité ». Sinon, note-t-il, « faire du présent son chez-soi / nous transforme en sans-abri » dans « l’angoisse de n’être presque rien ».

Ce livre dense crée des liens entre le plus que petit et le démesuré, entre neutrinos et exoplanètes. La carte du ciel de Joël Pourbaix célèbre le silence intersidéral autant que la lumière libératrice. Le poète évoque sa propre jeunesse passionnée par les premiers voyages dans l’espace, les astronautes qui y ont participé et les scientifiques qui ont tenté d’expliquer le grand tout.

Il nous rappelle les découvertes des plus célèbres observatoires du ciel, les missions Apollo, les aventures des Iouri Gagarine et des Valentina Terechkova (première femme dans l’espace) de ce monde, les astres de notre voisinage spatial ainsi que les autres, très lointains, qui portent « la promesse du vivant ». Il utilise savamment une prose précise et des projections poétiques. Après tout, ce n’est pas le choix entre deux mots qui compte, mais « l’espace qui les unit ».

Cette fusion de longs poèmes et de sections plus « documentaires » propulse le lecteur dans un éther fascinant, sans être totalement déconnecté du terrestre. Lorsque le poète y entremêle des éléments du quotidien, il caresse d’une main rêveuse une certaine forme de transcendance, celle de l’univers qui chuchote, de l’espace qui guérit et de la quiétude du ciel. Puisque « chaque nuit / nos corps renaissent ».

Noroît a publié l’automne dernier L’intimité nomade : choix de poèmes, 1980-2014 du même écrivain, récompensé en 2015 par le prix du Gouverneur général en poésie pour Le mal du pays est un art oublié. Joël Pourbaix a créé depuis 40 ans une œuvre des plus solides où il a su amasser les débris du réel pour en faire de la poussière d’étoiles.

Si sa promenade parmi nous passe inaperçue, comme il l’écrit à la fin, ses mots délicats et sa langue juste resteront dans le cœur de ceux et celles qui titubent et recherchent, comme lui, la « fierté solaire ». Dans Nuit noire, le poète nous offre le bonheur de mieux voir, les yeux fermés.

Nuit noire

Nuit noire

Noroît

160 pages

8/10