Il y a le premier baiser, la première fois avec soi, avec une fille, ou bien avec un gars. Ou ni l’un ni l’autre. Cette première fois qui n’a pas eu lieu. Mille premières fois, quoi. Et, non, pas de mode d’emploi.

Ma première fois, publié ces jours-ci aux Éditions de la Bagnole, vient combler un vide, en proposant ici un « recueil de nouvelles sexu » pour adolescents, sorte de florilège des premières possibles, raconté au « je », à la fois rafraîchissant et divertissant. Mais surtout éclairant, carrément rassurant.

Le genre de livre qu’on aurait tous aimé lire adolescents.

« Qu’est-ce que je fais de pas correct ? », « est-ce que c’est moi ? », « c’est ben compliqué… », les neuf nouvelles écrites par des auteurs jeunesse (Laurence Beaudoin-Masse, Pierre-Yves Villeneuve, Édith Chouinard, etc.), toutes orientations confondues, relatent autant de flops que de découvertes, d’anticipations que de grandes questions, en lien avec la sexualité au sens large. Des histoires d’amour ou purement sexuelles, bruits étranges et odeurs inattendues inclus. Sans parler des innombrables et immanquables malaises. Ah oui, et quelques grands moments de plaisir, aussi !

« Parce qu’à vrai dire, il n’y a pas qu’une première fois… Il y a DES premières fois », écrit Karine Glorieux, directrice du collectif, en guise d’introduction.

Pour cette professeure de littérature au collège de Maisonneuve, autrice et mère de trois adolescents, l’idée du recueil est venue tout naturellement, en cherchant des outils pour discuter avec ses propres enfants. S’il existe certes des ouvrages scientifiques, écrits par des sexologues, des séries télé sur le sujet (allô, Sex Education), peu de livres se sont penchés sur le côté vécu, les émotions, le ressenti ou la gêne, aussi…

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Karine Glorieux, professeure de littérature au collège de Maisonneuve, autrice et directrice du collectif

Au niveau des livres, et des livres québécois, il m’a semblé qu’il y avait un vide. Alors j’ai cherché des auteurs qui pourraient écrire le livre que moi, je donnerais à mes ados. […] Parce que parler avec ses enfants, c’est très délicat…

Karine Glorieux, autrice et directrice du collectif

Pourquoi des auteurs jeunesse ? « Parce que je voulais des auteurs qui pourraient avoir un ton qui ne ferait pas moralisateur. » Et on est effectivement à fond dans la complicité et la confidence, sans aucun filtre. Du tout. « Attention : contenu explicite », prévient même la couverture.

Diversité des histoires

L’idée du collectif s’est imposée d’elle-même, puisque la formule permet d’assurer une diversité de points de vue, des origines culturelles et des expériences. Précision : oui, ce sont des nouvelles, donc on a affaire à des « personnages », précise la directrice de rédaction, mais effectivement, tous les auteurs ont choisi d’écrire au « je », « et tout le monde a choisi une expérience assez proche de la sienne ».

C’est ainsi qu’Édith Chouinard raconte sa première fois ratée (et ce « pénis qui n’entre pas »), Jérémie Larouche, son premier baiser forcé (« mon premier baiser a été une agression », a-t-il réalisé 20 ans plus tard), et Nicolas Michon, sa première pipe (« c’est comme, ah OK, c’est juste ça … »).

« C’est dur de penser qu’on ne s’est pas tous inspirés de nos propres histoires, précise aussi l’auteur du texte sans doute le plus cru du recueil, ça sonne trop vrai ! »

S’il n’avait encore jamais écrit de texte du genre (le comédien écrit surtout pour le théâtre et la télévision), le défi l’a interpellé.

J’ai voulu être cash, et écrire quelque chose que moi, en tant que jeune individu qui n’est pas dans la majorité, j’aurais voulu lire.

Nicolas Michon

Son texte, unique ici en son genre, est rythmé par quantité de barres obliques, clins d’œil à toutes les émotions, non-dits, questions et ressentis qu’on peut vivre, ne serait-ce qu’en une petite minute, et dont on se souvient toute une vie. « J’avais le goût d’expliquer en 30 pages ce qui se passe en 62 secondes, résume le volubile auteur, quand tu imagines le mieux qui pourrait arriver, mais aussi le pire. Si je pouvais, je le lirais en une minute sans respirer ! » Au cas où vous en douteriez encore, on est bien loin du récit de performance, mais plutôt dans la reconnaissance du « oui, ça peut être stressant », ajoute-t-il.

Et s’il n’y a qu’une chose à retenir du livre, c’est bien cela. « Nos jeunes vivent une période assez anxiogène, reprend Karine Glorieux, mais la sexualité, ce n’est pas quelque chose que tu dois réussir, ou ne pas réussir. Tu essayes, ou tu n’essayes pas, jusqu’à ce que ce soit bon pour toi. À chacun sa recette ! »

À noter que la Bagnole inaugure ici une série de collectifs autour du thème des « premières », en vue de démystifier sans banaliser. Le prochain titre, destiné aux 10 ans et plus, abordera la question des premières menstruations.

En librairie le 15 septembre. À partir de 14 ans.

Ma première fois, recueil de nouvelles sexu

Ma première fois, recueil de nouvelles sexu

Éditions de la Bagnole

244 pages