Quelques mois avant sa mort, un père sous le joug d’une maladie triturant sa mémoire se met à appeler son fils Maurice, alors qu’il se nomme en réalité Philippe. Maurice, c’était son frère. Homosexuel, comme son fils.

Au milieu d’une vieille photo publiée sur les réseaux sociaux, Philippe aperçoit un jour un visage qui ressemble au sien de façon troublante : son défunt oncle Maurice, au cœur d’une manifestation, revendiquant que la police laisse tranquille la communauté gaie. Il retrouve bientôt les écrits de cet homme qu’il a trop peu connu. Écrits documentant son arrivée, à l’aube de sa majorité, dans le Montréal de toutes les permissions.

Alternant entre des chapitres narrés au présent par un Philippe ayant fui l’asphyxie de la ville pour les grands espaces de l’Alaska, et d’autres narrés par un Maurice découvrant les grisants plaisirs de sa liberté, Les racines secondaires célèbre d’abord ces familles, faites d’amis, que se choisissent souvent les personnes marginalisées.

Mais Vincent Fortier rappelle aussi, avec la sensibilité de celui qui refuse d’opposer deux formes de transmission également essentielles, que même lorsque d’autres relations significatives pallient celles, lacunaires, nous ayant (mal) liés à nos parents, le sentiment d’une perte subsiste. Bien que son père, à qui il s’adresse directement, soit mort, Philippe continue d’aspirer à un réel dialogue entre eux.

Animé par un salutaire devoir de mémoire, ce deuxième roman compte parmi les trop rares récits consignant la tache sur le visage de notre histoire que représente cette vague de descentes policières ayant frappé les bars gais du centre-ville de la métropole, en amont de la tenue des Jeux olympiques de 1976. Ses scènes de fête procurent néanmoins au livre ses plus vivifiants passages.

Portrait croisé de deux hommes qui trouvent à l’autre bout du continent le terreau de leur réelle émancipation, Les racines secondaires promet à tous ceux et celles qui ont besoin de l’entendre qu’il est possible, bien que difficile, d’embrasser qui l’on est. Mais échapper à sa lignée ? Personne n’y est encore arrivé.

Les racines secondaires

Les racines secondaires

Del Busso

192 pages

7/10