Combien de romans nous prennent aux tripes au point d’en avoir la chair de poule bien après les avoir refermés, rien qu’à poser les yeux sur la couverture ?

L’été où tout a fondu est le premier roman de Tiffany McDaniel, qu’elle a écrit à l’âge de 31 ans, soit quatre ans avant Betty, le titre qui a révélé cette jeune écrivaine américaine il y a deux ans à peine, en raflant quantité de prix (dont le Prix des libraires du Québec).

On est dans une petite ville fictive de son Ohio natal, en 1984. En plein cœur de la Bible Belt. Là où c’est encore Dieu qui fait la loi.

Le narrateur, Fielding, revient sur cet été torride qui scindera sa vie en un avant et un après. Tout le monde est à cran en raison de la chaleur inhabituelle qui s’est abattue sur la ville. Son père, un procureur qui est hanté par les principes de justice, de bien et de mal, a l’idée de placer une annonce inusitée dans le journal invitant le diable à lui rendre visite.

C’est ainsi que, contre toute attente, la famille va accueillir un orphelin noir qui prétend être le diable en personne. L’arrivée de l’adolescent dans cette petite ville blanche entraînera une série d’évènements tragiques, trahissant un racisme aux racines profondes.

Pour Fielding, ce garçon qui le suivra dans ses errances dans les champs et les collines sera comme un frère ; mais il paiera cette amitié indéfectible de la perte de son innocence et de la découverte de la violence des hommes. Cet été « de désintégration », comme il finira par l’appeler, aura raison de son univers d’insouciance et définira l’homme brisé qu’il deviendra, et dont on entrevoit des bribes au fil de la narration.

Récit initiatique sublime, porté par la plume incandescente de Tiffany McDaniel et une traduction d’une grande élégance qui en dévoile toute la poésie, L’été où tout a fondu est un roman sur la peur de l’autre, les ravages de la foi et les amours qui détruisent tout sur leur passage. Un roman écrit avec une maturité étonnante et une compréhension de la vie qui véhicule tout autant la tolérance, l’indulgence et la compassion, sans jamais donner l’impression de prêcher.

Nul doute que l’écrivaine, avec son sang-froid dans l’écriture et son incommensurable sensibilité à décrire les tragédies humaines et l’héritage d’une histoire baignée de sang, est en voie de s’inscrire parmi les noms qui comptent de la littérature américaine.

L’été où tout a fondu

L’été où tout a fondu

Gallmeister

480 pages

8/10