Il y a de ces romans qui vous habitent longtemps après les avoir lus. La jeune fille à la tresse est de ceux-là.

Est-ce parce qu’il s’agit d’un récit d’une lumineuse amitié, ou encore du contexte, campé en pleine Seconde Guerre mondiale, ou carrément du dénouement, aussi prévisible que déchirant ? Un peu de tout cela à la fois. N’empêche que le dernier livre de Françoise de Luca, finaliste aux prix Anne-Hébert, des Libraires et du Gouverneur général (pour Pascale puis Sèna), réussit à nous émouvoir, plusieurs semaines après avoir tourné la dernière page.

Il faut dire qu’il s’agit d’une fiction, certes, mais inspirée d’une histoire vraie : cette amitié entre une certaine Lili (timide, maladroite et, quelque part, mal aimée) et sa fabuleuse Solange (au contraire brillante, spontanée, cultivée, issue d’une famille archi-inclusive et... juive) a véritablement existé. Et largement inspiré le roman (la fameuse Lili s’étant confiée, à presque 100 ans sonnés, à l’autrice). D’ailleurs, les premières pages ne sont pas sans rappeler une autre grande amitié littéraire, tout aussi puissante et « prodigieuse » (à la Elena Ferrante, vous l’aurez compris), quoiqu’ici nettement moins complexe (!). Beaucoup plus directe. Carrément instantanée.

« Je l’ai aimée tout de suite. » Ce sont les premiers mots de cette Jeune fille à la tresse, écrit au « je », donc, un récit qui s’étend sur 300 pages, véritable « page turner » comme on dit, moins en ce qui a trait à l’action que dans les émotions. Avec son style direct, des phrases courtes et un rythme soutenu, l’autrice raconte ici cette poignante amitié, d’un genre qu’on ne vit qu’une fois dans une vie. Elle met la table sur plus de la moitié du livre (certes, par moments, on se demande où tout cela nous mènera) pour raconter sa genèse, à la fois subite et bouleversante. Disons qu’on a le temps d’y croire. De s’attacher. Du coup, nous aussi, on l’aime tout de suite, cette Solange, si attachante, insoumise et, par-dessus tout, libre.

La guerre ne s’immisce dans l’histoire que (trop ?) tardivement dans la deuxième moitié du roman, discrètement, quoiqu’insidieusement. Pensez : étoile jaune, angoisse, puis fuite. Et l’innommable séparation qui s’ensuit. Mais malgré tout, malgré cette guerre et cette sale occupation, nos deux amies continuent de s’écrire. De s’aimer. Et de vivre.

Et cette Solange ne perdra rien de sa fougue. De son insoumission. Histoire vraie : elle entrera dans la résistance, à coups de tissage de chapeaux (la coquetterie est un crime sous la France occupée, le saviez-vous ?), puis de turbans à double fond. La résistance au féminin, quoi. « Je me sens libre », écrira-t-elle à son amie.

Et grâce à ce récit, la voici qui revit.

La jeune fille à la tresse

La jeune fille à la tresse

Éditions Marchand de feuilles

300 pages

7/10