C’est un pan très sombre de l’histoire de France que dévoile Véronique Olmi dans Le gosse. La populaire romancière (Bakitha) raconte comment les orphelins pris en charge par l’État, pendant l’entre-deux-guerres, devenaient en fait des prisonniers, ou des esclaves, ou les deux, et étaient gardés dans les conditions les plus abjectes.

Le destin du petit Joseph, dont la mère n’a pas survécu à un avortement clandestin, est celui par lequel on découvrira toutes les horreurs et l’inhumanité du système. Sa douceur et son incompréhension, son instinct de survie et son endurcissement, c’est à travers son seul regard, à hauteur d’enfant, qu’on voit l’étau se resserrer autour de lui, sans issue possible.

L’écriture de Véronique Olmi, très lyrique, nous fait littéralement sentir dans notre chair toutes les atrocités subies par Joseph et ses compagnons d’infortune. Il faut souvent prendre des pauses pendant la lecture tellement l’ambiance est lourde, la violence omniprésente et l’injustice de la situation insupportable. Et même si c’est nécessaire de le raconter et qu’on ne doit pas faire l’autruche, la beauté de l’écriture frôle parfois la complaisance et on se demande si l’autrice ne va pas trop loin dans sa manière si joliment imagée de décrire la laideur la plus sordide.

Joseph a deux portes de sortie, l’amour et la musique. Il lui faudra des années avant d’enfin arriver à l’espoir, grâce à un peu de chance et quelques âmes bienveillantes. Cette lumière qu’on n’attendait plus arrive tard dans le récit, in extremis, et soulage un peu.

Si Véronique Olmi parle ici d’un cas historique précis, on ressort de ce livre avec une pensée pour tous les enfants maltraités, toutes les enfances bafouées par des organisations officielles censées les protéger – on n’a qu’à penser ici aux orphelins de Duplessis et au drame des pensionnats pour Autochtones. Comme si l’innocence avait toujours été une cible de choix, un constat crève-cœur que nous rappelle douloureusement Le gosse.

Le gosse

Le gosse

Albin Michel

294 pages

6/10