Philippe Chagnon a signé quatre recueils de poésie (dont Arroser l’asphalte) avant de publier ses deux premiers romans coup sur coup en 2019, Le pourboire (Triptyque), puis L’essoreuse à salade (Hamac).

L’écriture de cet autodidacte est forgée par les évènements souvent bien insignifiants d’un quotidien qui semble vide de sens. Il le raconte toutefois avec moult détails et un détachement qui donne à l’ensemble une qualité à la fois absurde, loufoque et légèrement surréelle. Mais entre les lignes couve toujours, en filigrane, un malaise existentiel, un drame même, dont le narrateur comme le lecteur n’arrivent pas toujours à saisir les tenants et les aboutissants. Avec À reculons, un récit jouant avec les codes de l’autofiction et du roman noir, c’est un drame familial qui se déroule sous nos yeux.

Le narrateur, un aspirant écrivain à la recherche d’inspiration, doit retourner dans la maison familiale alors que son grand-père se meurt, laissant derrière sa blonde, enceinte. Un enchaînement d’évènements de plus en plus louches et sur lesquels il semble n’avoir aucun contrôle – une enveloppe mystérieuse qu’il ramasse à l’hôpital et qu’on veut lui reprendre, un tatouage n’indiquant rien de bon, la blonde de son grand-père et ses magouilles – l’entraîne dans la tourmente, lui donnant du même coup de la matière pour un roman qui n’aboutit pas, sur lequel il travaille. Résultat, le récit, en apparence banal, devient peu à peu anxiogène, brouillant les perceptions et les repères. Habilement, l’auteur joue avec la structure narrative et la temporalité, installant la mise en abyme ; comme un serpent qui se mord la queue, le début devient la fin, et vice-versa. Un roman bien ficelé, assez étrange, porté par une plume singulière.

À reculons

À reculons

Hamac

152 pages

6/10