Le système de L’équilibre, qui régit la société mise en scène par Cassie Bérard dans son cinquième roman, est une espèce d’Utopie pénitentiaire. Les grandes institutions carcérales ont en effet été démantelées au profit de cellules installées dans les cours de citoyens appelés « gardiens » et régies, entre autres, par des « ouvreurs » dont l’identité est tenue secrète et qui sont forcés de garder le silence au sujet de leur fonction. Or, les évasions se multiplient, vraisemblablement orchestrées par un groupe organisé.

Estelle Robert mène l’investigation au nom du système. Son avantage, c’est que dans la société mise en place par le Parti citoyen, tout est filmé. Ça aide à identifier les coupables, mais pas forcément à comprendre leurs motivations. Elle n’a pas non plus les coudées franches : les frictions avec la police sont nombreuses. Le roman s’intéresse aussi en parallèle à Laurent Lefebvre, un éthicien perçu comme un défenseur d’un régime sans visage, qui s’interroge de plus en plus sur sa pertinence, sa brutalité et son impartialité, avec les erreurs judiciaires qu’il rend possibles.

L’équilibre plonge le lecteur dans un univers à la 1984, mais sous un angle inédit. Cassie Bérard construit avec finesse une société où tout le monde est prisonnier d’un système qui se voulait pourtant plus humain. En trame de fond, elle demande aussi ce qui sépare le bon citoyen du criminel, explore avec acuité le sentiment de solitude et s’interroge sur les libertés et responsabilités individuelles. Son roman n’est pas un thriller à proprement parler : il est alourdi par des passages plus théoriques et l’action est très souvent narrée plutôt que montrée. Sans tenir en haleine, il témoigne d’une vision originale bien menée qui, elle, intrigue et donne envie de la suivre jusqu’au bout de sa démonstration.

L’équilibre

L’équilibre

La mèche

276 pages

6/10