Catherine Perrin publie un troisième livre et un deuxième roman, L’âge des accidents, qui démontre que, malgré les désaccords, les fractures et les tragédies, la force des liens humains permet de renouer avec l’espoir.

Après avoir rendu hommage à sa mère dans un récit (Une femme discrète, Québec Amérique) et à son père dans un roman (Trois réveils, XYZ), Catherine Perrin poursuit son travail inspiré par la filiation dans L’âge des accidents. Sans que le livre soit explicitement dédié à ses enfants, sa vision repose sur l’importance vitale des relations avec les proches au-delà des crevasses contournées en chemin.

« Il est beaucoup question des liens qui sont forts dans le roman, explique-t-elle. Les gens se soutiennent les uns les autres. Tous les accidents de la vie se réparent et les relations font en sorte qu’on passe au travers. On parle souvent de liens dysfonctionnels, mais j’ai fait le chemin inverse, le roman parle de liens fonctionnels soumis à des accidents. »

L’animatrice-musicienne-auteure, à qui la passion de la fiction est venue après la publication de son premier roman, suit ici la piste d’une journaliste scientifique, Patricia, dont la fille, Jasmine, a été l’un des témoins impuissants de l’écrasement d’un viaduc ayant causé la mort. Elle-même victime d’un accident qui lui fracturera la jambe, Patricia tentera d’aider Jasmine. Mère et fille se reconstruiront peu à peu, malgré divers obstacles, erreurs de jugement et amours illusoires.

Même s’il y a un couple à la dérive, on sent qu’il y a un respect fondamental entre ces deux personnes. Entre la fille et la mère, même s’il existe des différends, il reste un grand lien de confiance. Être attentif à ces liens dans la vie, c’est ma façon de croire encore en l’humanité.

Catherine Perrin

Son travail d’animation à la radio, soumis à l’éthique et aux normes journalistiques, l’a aidée à se mettre dans la peau du personnage de Patricia. Elle s’est tout de même demandé s’il est pertinent de préserver la neutralité journalistique devant des évènements qui choquent profondément.

Un certain viaduc

Le livre commence avec l’effondrement d’un viaduc. Même s’il ne s’agit pas de celui de la Concorde, Catherine Perrin a lu le rapport d’enquête sur la tragédie de Laval en 2006.

« J’ai même consulté un ingénieur parce que j’aime en dire le moins possible en m’assurant que ce qui est sous-entendu dans le livre ne nous fasse pas prendre le champ. Au sujet des Innus, qui sont importants dans le récit, j’ai quand même fait 800 km afin de me rendre à Uapishka l’été passé et m’enraciner dans quelque chose que j’avais perçu, sans trahir la réalité. »

Le style de la romancière repose d’ailleurs sur une foule de détails significatifs autant dans les descriptions qu’à propos de l’émotion des personnages. Voilà le travail d’une écrivaine sensible aux moindres tressaillements de l’âme.

« J’aime lire des détails psychologiques qui mettent le doigt sur des choses ultrafines ayant beaucoup d’impact. Pour ce genre d’histoire, je ne pouvais pas en sortir. »

Je ne me lasse pas des micro-échelles. Mon seuil d’excitabilité est assez bas. Je n’ai pas besoin de beaucoup de choses pour m’animer. Pour moi, il se passe toujours d’immenses choses sur le plan humain.

Catherine Perrin

Sa Patricia est une mère qui se préoccupe justement de tous les changements affectant ses enfants. Ce travail de toute une vie amène la journaliste à flirter avec le parcours idéaliste de sa fille. Des accidents jusqu’à la reconstruction, son bonheur passe par celui de son entourage.

« Le point de départ émotif a été un évènement grave et très intéressant, sans être criminel, impliquant une personne que je connais que, disons, mes collègues journalistes aimeraient rencontrer. J’ai décidé de préserver ce lien sans rien dévoiler. Mais ensuite, je me suis mise à extrapoler en m’imaginant que cela aurait pu arriver à l’un de mes enfants. »

L’an 2035

La deuxième partie du livre se déroule en 2035, après que la romancière eut effleuré le sujet de la pandémie. C’est toutefois l’écoanxiété qui pousse les personnages à s’activer, changer de vie ou d’attitude, à tout le moins.

J’ai eu le réflexe d’éviter le présent parce qu’il se construit. On n’a pas le recul nécessaire pour parler de la pandémie, je crois. Ce que j’évoque et qui se passe en 2020 dans le roman n’est déjà plus d’actualité, d’ailleurs.

Catherine Perrin

Dans L’âge des accidents, l’avenir appartient à de jeunes gens qui décident de refaire naître la ville nordique de Gagnon de ses cendres sous le nom de Nikaniteu – « il ouvre la marche » en innu – et en faire un lieu de toutes les réconciliations.

Comme le souligne Catherine Perrin, le personnage de Jasmine dira d’ailleurs à Patricia : « Ce n’est pas une utopie, maman, on va le faire pour vrai. »

L’âge des accidents

L’âge des accidents

XYZ – Romanichels

214 pages