N’entre pas qui veut dans le cercle intime d’Emmanuel Macron. L’écrivaine Gaël Tchakaloff a pourtant eu ce privilège, à la faveur de son amitié avec la première dame, Brigitte Macron. De ces 18 mois à côtoyer de près le couple présidentiel, elle a tiré Tant qu’on est tous les deux, un drôle d’objet littéraire entre impressionnisme et journalisme. Entrevue.

Les gens qui s’attendaient à un livre sur l’intimité du couple Macron seront déçus. Votre livre ne nous apprend rien de croustillant.

Quand on essaie de faire de la littérature, on ne fait pas de révélation. J’ai plutôt essayé de faire un livre qui, par pointillisme, donne une image de ce qu’est le pouvoir exercé par ce couple.

Vous parlez en effet du pouvoir, de politique. Mais ce n’est pas exactement un livre de journaliste. Comment le décrivez-vous ?

C’est soit un roman où tout est vrai, soit un récit littéraire. Mais je ne voulais surtout pas faire un livre politique. Parce que, en dehors du fait qu’Emmanuel Macron est un président de la République, je trouve que ce n’est pas un personnage politique. Je pense qu’il a un rapport au pouvoir proche de la spiritualité. Un côté mystique. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas le pouvoir, c’est le sacré.

PHOTO ERIC MATHERON-BALAY, FOURNIE PAR FLAMMARION

Gaël Tchakaloff

L’évidence aurait été que vous écriviez un livre sur lui. Pourquoi avez-vous décidé de faire un livre sur le couple Emmanuel et Brigitte Macron ?

Pour deux raisons. La première, c’est que j’ai assez vite compris qu’ils étaient totalement indissociables. C’est donc difficile de traiter de l’un sans traiter de l’autre. On ne peut pas comprendre Emmanuel Macron si l’on ne comprend pas Brigitte Macron, et inversement. La deuxième raison, c’est que Brigitte Macron me fascine par son non-conformisme, son humanité. Et que c’est difficile de ne pas écrire sur elle.

À son corps défendant. Quand Brigitte Macron apprend que votre livre portera aussi sur elle, elle ne vous cache pas son mécontentement.

Elle a été surprise sur le moment parce qu’elle a eu peur de ce que ça allait donner. Elle ne voulait pas que son couple soit exposé. Et pour une raison très personnelle : on avait quand même une relation très forte toutes les deux et ç’a été très compliqué pour elle de gérer la concomitance de la relation amicale pendant que j’écrivais mon livre. Mais elle ne m’a jamais dit de ne pas le faire. Ceux qui ne voulaient pas que je fasse ce livre, ce sont les conseillers de l’Élysée. Ils trouvaient que, politiquement, ça pouvait être dangereux.

PHOTO LUDOVIC MARIN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

« On ne peut pas comprendre Emmanuel Macron si l’on ne comprend pas Brigitte Macron, et inversement », affirme l’autrice Gaël Tchakaloff.

Qu’est-ce qui vous a poussée à poursuivre, malgré les drapeaux rouges ?

Je savais que je voyais des choses que personne d’autre ne voyait et que personne d’autre ne verrait… Ils ont essayé de me barrer. Mais Brigitte Macron n’avait pas d’avis parce qu’elle soutient la liberté de création et Emmanuel Macron ne voulait pas trop s’en mêler. Les conseillers de l’aile monsieur ont fini par craquer, parce qu’à force de me voir dans les couloirs de l’Élysée, ils se sont dit : on n’arrivera jamais à la boucler !

Un des chapitres se déroule à la veille du troisième confinement. L’entourage présidentiel est mortifié. C’est Brigitte qui monte voir Emmanuel Macron pour l’aider à y voir clair. Jusqu’à quel point a-t-elle de l’influence sur son mari ?

C’est une question qui appelle une réponse ambivalente parce qu’elle a énormément d’influence, mais ne veut pas en avoir. L’inverse de Cécilia Sarkozy, qui était présente aux réunions de cabinet. Elle aimerait parfois disparaître, mais elle est incontournable. Tout le monde veut avoir son avis.

Vous parlez beaucoup de la vie à l’Élysée. Des conseillers. Des intrus. Des intrigues. Quelle est l’ambiance, exactement ?

Dans l’aile madame, il y a une atmosphère de travail, mais aussi de détente. Brigitte Macron est quand même quelqu’un de très drôle. Au premier étage dans l’aile monsieur, c’est beaucoup plus premier degré, parce qu’il y a une grosse charge de travail. Mais c’est un président jeune, donc il parle comme un jeune. Mais ce qui m’a frappée, c’est l’affectivité qui les unit à leurs équipes, même si elles sont essorées par un rythme de travail infernal. Ils sont adorés.

Ce n’est pas le cas dans le reste de la France, où Macron est loin de faire l’unanimité.

C’est clair. Il est moins clivant entre les murs de l’Élysée. Parce qu’il parle à tout le monde individuellement. Quand il parle directement aux Français, ça marche très bien. Dès qu’il y a des intermédiaires, le dialogue est plus complexe. Parce que les intermédiaires veulent absolument le transformer en président. Du même coup, les Français sentent qu’il y a un écart entre la réalité de ce qu’il est et l’image que veulent fabriquer les entourages.

Depuis son élection, il y a cinq ans, Emmanuel Macron a affronté la crise des gilets jaunes, l’hostilité du peuple, la crise de la COVID-19. Jusqu’à quel point ce difficile quinquennat a-t-il nui au couple présidentiel ?

Je pensais que ça allait les user. Pas du tout. Ils continuent à être fascinés l’un par l’autre. J’ai été surprise par cette candeur amoureuse qu’ils ont gardée. Je pense que c’est lié au fait qu’ils ont traversé tellement de choses dures quand ils étaient à Amiens [à cause de leur différence d’âge], à leur arrivée à Paris et après. Pendant la campagne présidentielle, elle s’est fait cracher dessus. On l’a traitée de vieille. On lui dit que son mari était homosexuel. Maintenant, plus rien ne peut les atteindre.

Tant qu’on est tous les deux

Tant qu’on est tous les deux

Flammarion

230 pages