La mort du poète, dramaturge, traducteur, annonceur radio et, à l’occasion, chansonnier Michel Garneau, lundi à Magog, a créé une onde de choc dans les milieux littéraire et théâtral québécois. L’artiste était admiré pour ses multiples talents, mais aussi parce que c’était un homme de cœur et un fervent défenseur de la langue québécoise.

Les hommages pleuvent sur la vie et la carrière de Michel Garneau, autodidacte et touche-à-tout dont les cœurs de ceux et celles qui l’ont connu. « Monument littéraire », « amoureux de la vie », « homme chaleureux et accueillant », Michel Garneau était surtout un grand poète.

Benoît Chaput, éditeur de l’Oie de Cravan, où ont été publiés les deux seuls livres en prose de Michel Garneau, travaillait avec l’auteur encore récemment.

« La mort de Michel m’affecte beaucoup. Il y a 10 jours, il m’envoyait encore des poèmes qu’il enregistrait et que je diffusais à la radio de CKUT. Toujours actif, il me faisait parvenir aussi des courriels poétiques. »

C’était un grand amoureux de la vie. Je l’appelais et il me remontait toujours le moral. Il partageait avec tous un véritable plaisir d’être en vie.

Benoît Chaput, éditeur de l’Oie de Cravan

L’éditeur a publié en juin dernier Le couteau de bois, un récit d’enfance de Michel Garneau. Cette petite maison d’édition enverra bientôt en réimpression l’imposant livre Choix de poèmes (pas trop longs), sélection de poèmes marquants et inédits de l’auteur, ses Poésies complètes 1955-1987 (Guérin) étant épuisées.

« Il a toujours écrit une poésie travaillée, intéressante, mais immédiatement accessible. Il présentait ce beau mélange d’érudition, de technique et d’une grande simplicité. Avec sa compagne, on devrait poursuivre le travail, parce que je soupçonne qu’il y a encore beaucoup de poèmes inédits. »

Michel Garneau est l’auteur d’une soixantaine de livres, dont la moitié sont des recueils de poésie. Ses pièces de théâtre ont été traduites en plusieurs langues et produites à travers le monde. Traducteur de son ami Leonard Cohen, il partageait avec l’auteur de Suzanne une « voix d’or », grave et enveloppante.

« Un amoureux de l’art »

Animateur de radio dès l’âge de 15 ans, Michel Garneau s’est ensuite tourné vers la poésie et le théâtre. Il a été comédien et metteur en scène en plus d’enseigner à l’École nationale de théâtre pendant une vingtaine d’années.

Il a également réalisé ce qu’il appelait des « tradaptations » de García Lorca et de Shakespeare, notamment. On a pu voir et entendre ces dernières années Coriolan, mis en scène par Robert Lepage au TNM, et Macbeth à l’Usine C, dirigé par Angela Konrad, nouvelle directrice de l’École supérieure de théâtre à l’UQAM.

« J’ai trouvé dans le travail de Garneau une pulsion poétique très forte, explique-t-elle. Cette langue n’était pas la mienne, mais j’y percevais un geste politique. Sa tradaptation porte les traces de l’histoire du Québec. Les jeunes générations peuvent y lire la langue de leurs grands-parents qui est en voie de disparition. Ça m’a beaucoup touchée. » Elle l’avait rencontré chez lui à Magog et avait développé avec le dramaturge le projet de « tradapter » en québécois une autre œuvre majeure du répertoire mondial.

La directrice du TNM, Lorraine Pintal, avait interprété le personnage de Pauline dans la pièce la plus connue de Michel Garneau, Quatre à quatre, lors d’une tournée française. Elle avait monté deux autres spectacles, dont L’usage du cœur dans le domaine réel, dans les années 1970 avec le Théâtre de la Rallonge.

Ça me fait beaucoup de peine. J’avais fait une tournée en Europe avec lui dans le cadre des lectures du Centre des auteurs dramatiques. C’était un être extraordinaire, un génie, un amoureux de l’art, du théâtre et de la poésie. Un grand batailleur.

Lorraine Pintal, directrice du TNM

La maison d’édition Somme toute a réédité six pièces de Michel Garneau, dont Émilie ne sera jamais plus cueillie par l’anémone, sur Emily Dickinson.

« On parle beaucoup de la langue de Tremblay au théâtre, mais Garneau, c’est gigantesque ce qu’il a fait. Il excellait à nous faire entrer dans des univers complexes avec une langue qui nous parle directement », souligne l’éditrice Elsa Pépin.

Michel Garneau a été lauréat deux fois d’un Grand Prix littéraire du Gouverneur général, mais il avait refusé le premier, pour son recueil de poèmes Les petits chevals amoureux, en raison de son emprisonnement lors des évènements d’octobre 1970.