(Paris) En dépeignant la haute bourgeoisie parisienne de la Belle Époque, Marcel Proust a touché à une forme d’universalité. Et 150 ans après sa naissance, il passionne une communauté mondiale de chercheurs, parfois très loin de la France.

À la recherche du temps perdu et ses sept volumes, publiés entre 1913 et 1927, paraissent une source inépuisable de réflexions aux quatre coins de la planète.

Et classique des départements universitaires de littérature française, Marcel Proust, né le 10 juillet 1871 à Paris, est sans cesse rediscuté.

Un des derniers colloques proustiens internationaux avant la pandémie de COVID-19, en novembre 2019, avait débattu à Berlin de « Marcel Proust et la judéité ».

L’un des derniers en date (en ligne) a été « Marcel Proust : héritages contestés », organisé par l’Université de Chicago en mai, à propos des écrivains qui l’ont adoré et remis en cause.

Le romancier a sa page Facebook et Instagram brésilienne, Proust Brasil, qui faisait la publicité d’un séminaire Proust de novembre 2020, en ligne depuis Rio de Janeiro.

« L’Amérique latine est toujours extrêmement active. Le Brésil en particulier s’est intéressé très tôt à Proust », confirme Elyane Dezon-Jones, de la Société des amis de Marcel Proust.

Proust en persan

« L’intérêt pour l’œuvre ne cesse d’étendre. Très récemment nous avons été en contact avec un chercheur en Iran en train d’organiser un colloque sur la traduction de Proust en persan. Mais l’intérêt pour l’homme aussi, puisqu’il y a des biographies qui sortent un peu partout », ajoute-t-elle.

D’après cette universitaire, en dehors de la France, les trois « grands pôles » de la recherche proustienne sont le monde anglo-saxon (États-Unis et Grande-Bretagne surtout), le Japon, et l’Italie, notamment parce que dans les trois langues concernées « Proust bénéficie d’avoir été traduit très tôt ».

Le confiné le plus célèbre de l’histoire de la littérature est très apprécié au pays du Soleil levant. L’un des grands spécialistes mondiaux s’appelle Kazuyoshi Yoshikawa, de l’Université de Kyoto, qui a passé 12 ans sur sa traduction du roman, en 14 tomes d’environ 500 pages chacun, appareil critique compris.

« Il y a eu une grande, grande tradition d’études proustiennes japonaises, qui se perpétue », disait le proustien du Collège de France, Antoine Compagnon, en accueillant cette sommité pour une conférence en mars 2020. Ainsi, rappelait-il, des Japonais ont-ils réalisé un travail « indispensable pour tous les proustiens » : l’index de la correspondance et celui des manuscrits.

« Énormément de thèses »

Aux États-Unis, explique à l’AFP Hannah Freed-Thall, de la New York University, la recherche sur Proust « se renouvelle constamment, en lien avec ce qui se passe dans toutes les autres disciplines ».

« C’est aujourd’hui extrêmement divers, avec par exemple une perspective philosophique, comme l’influence de Kant ou Hegel, des réflexions sur sa langue, sur ses pratiques vernaculaires (l’usage d’expressions du quotidien), ou encore l’apport des queer studies » (études de genre et sur les questions LGBT), détaille cette professeure de littérature française.

En Allemagne aussi, signale Jürgen Ritte, professeur à la Sorbonne nouvelle, « depuis quelques années il y a énormément de thèses universitaires. On a publié un livret qui en reprend rien que les titres, pour vous dire le nombre ».

« Proust s’est mondialisé. Il suffit de voir le nombre de langues dans lesquelles il a été traduit et l’apport de chercheurs étrangers pour établir l’édition de la Bibliothèque de la Pléiade », relève-t-il. « À la Marcel Proust Gesellschaft (l’association proustienne allemande), avec pas loin de 500 membres, nous approchons dangereusement nos amis français ! »

Pour Elyane Dezon-Jones, « c’est une œuvre qui touche des lecteurs très divers pour la bonne raison que Proust n’écrit pas une autobiographie. Il ne nous parle pas de lui-même, mais de nous : on a tous une grand-mère, on a tous été amoureux ».