« Je vais enfin pouvoir tourner la page et vraiment respirer de nouveau », a confié Yvan Godbout. L’auteur du roman d’horreur Hansel et Gretel a poussé un soupir de soulagement, lundi, en apprenant que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) n’allait pas faire appel de son acquittement pour production de pornographie juvénile.

« Le dernier mois a été difficile. J’avais vraiment hâte d’être certain d’être bien acquitté. J’étais très nerveux [lundi] matin. Je me suis absenté et à mon retour, j’avais plein de messages. J’ai été très, très émotif quand je l’ai appris. Ç’a été un vrai soulagement », a-t-il raconté au bout du fil.

Pendant deux ans, la vie d’Yvan Godbout a été en « stand-by ». Le romancier a vécu non seulement avec la sordide étiquette de « pédophile » sur les réseaux sociaux, mais également avec le risque bien réel de se retrouver derrière les barreaux pour avoir seulement pratiqué son métier. Un véritable cauchemar qui a bousillé la vie de l’auteur et détruit la maison d’édition ADA.

Le DPCP reprochait à l’auteur et aux Éditions ADA inc. d’avoir produit et distribué de la pornographie juvénile en publiant le roman Hansel et Gretel. Une brève scène d’inceste entre une fillette de 9 ans et son père était au cœur de l’affaire. Or, le procès devant jury n’a jamais eu lieu, puisque le juge a acquitté les accusés le mois dernier.

Dans une décision cinglante, le juge Marc-André Blanchard a invalidé des articles du Code criminel portant sur la pornographie juvénile, puisque ceux-ci violent le droit à la liberté d’expression. Le juge a critiqué une loi « aléatoire » et « extrêmement large » risquant de criminaliser la lecture de certains classiques et polars, comme les écrits du marquis de Sade, de l’écrivain Gabriel Matzneff ou du romancier Patrick Senécal.

Le juge se demandait d’ailleurs pourquoi les procureurs avaient décidé de « s’attaquer » au livre d’Yvan Godbout, « alors que d’autres œuvres qui apparaissent assurément graveleuses dans leur contenu » n’ont fait l’objet d’aucune poursuite. Le magistrat citait dans sa décision des dizaines d’ouvrages d’auteurs réputés qui contiennent des éléments pédopornographiques.

Une « épée de Damoclès »

Yvan Godbout espère que cette décision va permettre à d’autres auteurs d’éviter de vivre avec la « même épée de Damoclès ».

Le roman Hansel et Gretel, ce n’est qu’un grain de sel dans un univers de livres. Si ça peut permettre à ces auteurs de respirer aussi, de ne plus avoir peur, c’est tant mieux.

Yvan Godbout

Malgré son acquittement, Yvan Godbout conserve de profondes cicatrices de cette affaire qui a bien failli le pousser au bord du gouffre. « Les stigmates ne disparaîtront jamais. Quand les gens vont faire des recherches, c’est cette histoire-là qui va apparaître. Il va falloir que je réapprenne à vivre avec ces blessures », a-t-il dit. Il se « désole » que des mots « horribles » demeurent associés à son nom.

Mais Yvan Godbout a bien l’intention de reprendre l’écriture, à son rythme. « C’était ma passion, et elle était comme sur stand-by. Le cœur y était moins. Je me forçais. Cette passion-là ne peut pas être morte, j’essaie de la ressusciter. Je vais essayer de me replonger encore plus dans l’écriture et de m’y abandonner encore plus », a-t-il confié.

En fin d’entrevue, Yvan Godbout ajoute qu’il tient à remercier « mille fois, un million de fois » ses lecteurs et ses proches. « Énormément de gens m’ont supporté. Une foule de lecteurs m’ont écrit tous les jours pour tenir bon. Sans eux, je ne serais plus là aujourd’hui. Ces gens m’ont permis de me tenir debout. »