Quelques suggestions de bandes dessinées à découvrir.

Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges : dans l’intimité d’Anaïs Nin

Coup de cœur pour cet album graphique majeur centré sur la vie et l’œuvre de l’écrivaine franco-américaine Anaïs Nin, connue pour ses nouvelles érotiques (Vénus érotica) et ses correspondances sulfureuses.

La jeune bédéiste belge Léonie Bishhoff s’intéresse à une période-clé de la vie de la jeune femme, soit celle du début des années 30. Anaïs Nin, qui vit en France avec son nouveau mari, Hugh Parker Guiler (dit Hugo), n’est ni la femme émancipée que l’on connaît ni l’écrivaine de talent qu’elle sera plus tard, mais tout cela, à ce moment précis, est sur le point d’éclore.

En 1931, Anaïs Nin, qui a 28 ans, noircit furieusement les pages de son journal intime, découvrant à son corps défendant toutes les pulsions qui sommeillent en elle. C’est durant cette même année qu’elle fait la rencontre de l’écrivain américain Henry Miller et de sa femme June. Ce sera le coup de foudre artistique et amoureux… pour les deux !

IMAGE FOURNIE PAR CASTERMAN

Couverture d’Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges

Anaïs Nin, qui découvre sa bisexualité, confirme également sa vocation artistique. Léonie Bishhoff, qui se nourrit constamment de l’œuvre et des correspondances de l’écrivaine, a parfaitement identifié le tournant dans la vie d’Anaïs Nin, qu’elle dessine avec beaucoup de tendresse.

Elle nous guide ensuite avec adresse dans le parcours hors norme (et carrément subversif !) de cette femme fascinante, qui va multiplier les aventures amoureuses clandestines — dont ses liaisons avec ses deux psychothérapeutes !

Elle revisite aussi de manière assez frontale l’inceste avec son père — Joaquin Nin, pianiste cubain qui abandonne sa famille alors que la petite Anaïs est âgée de 11 ans. Le trait multicolore de Léonie Bishhoff ajoute beaucoup de sensualité au récit, la dessinatrice optant pour des fonds de couleurs foncées lorsqu’elle traite de l’inceste ou de l’avortement de l’écrivaine.

Un album incontournable de l’automne, qui nous donne envie de lire Anaïs Nin, figure marquante de son époque, mais aussi Henry Miller. En tout cas, Sur la mer des mensonges nous donne à voir de façon magistrale l’éclosion de la femme et de l’artiste qu’était Anaïs Nin, combinaison antinomique s’il en est une des années 30.

★★★★½

Anaïs Nin. Sur la mer des mensonges. Léonie Bishhoff. Casterman. 190 pages.

Peau d’homme : sans contrefaçon, je suis un garçon…

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Extrait de l’album Peau d’homme

Pendant la Renaissance, en Italie, Bianca est promise en mariage à Giovanni. Or, la belle aimerait bien connaître son futur époux avant de passer devant l’autel. Comment y arriver ? En enfilant une véritable peau d’homme, un trésor familial qui se passe de femme en femme, et ainsi devenir Lorenzo. Elle peut ainsi approcher Giovanni, mais aussi découvrir incognito le monde des hommes, ce qui ne manquera pas de bouleverser ses convictions.

Cette œuvre superbement illustrée par Zanzim est le testament du bédéiste français Hubert, qui s’est éteint en février dernier. Celui qui nous a donné la très belle série Beauté propose cette fois encore un récit sous forme de conte, mais qui prend une tangente imprévue lorsqu’on découvre les préférences sexuelles de Giovanni.

IMAGE FOURNIE PAR GLÉNAT

Couverture de la BD Peau d’homme

Du coup, l’incursion promise dans le monde masculin n’est pas celle qu’on attendait et les désirs de Bianca deviennent bien secondaires… Qu’à cela ne tienne.

Des thèmes comme l’amour, l’acceptation de soi (et des autres) ou encore l’amitié sont magnifiquement servis par cet album fort, tant par ses qualités graphiques que par ses personnages hautement attachants.

★★★½

Peau d’homme. Hubert et Zanzim. Glénat. 160 pages.

Les nouvelles aventures de Lapinot : un peu d’amour : l’ordonnance de Trondheim

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Extrait de Les nouvelles aventures de Lapinot : un peu d’amour

Voilà notre prescription contre la morosité de ce mois d’octobre devenu synonyme de reconfinement : les aventures de Lapinot.

Son géniteur, Lewis Trondheim, a eu la bienveillance de donner suite à ces aventures, reprises de belle façon depuis qu’il a ressuscité Lapinot en 2017 — il s’était tué dans un accident de voiture en 2004.

Trondheim approfondit essentiellement deux pistes : l’amitié de Lapinot avec un SDF (Marc Bolart), qui publiera un journal intime sous son impulsion, et une bibliothécaire, Camille, qui s’amourachera de lui avant de le haïr à la suite d’un énorme quiproquo.

IMAGE FOURNIE PAR L’ASSOCIATION

Couverture de Les nouvelles aventures de Lapinot : un peu d’amour

À travers les quelque 125 strips de l’album, Trondheim continue de nourrir l’amitié de Lapinot pour Richard – qui se moque notamment de lui chaque fois qu’il fait du sport – et de nous faire sourire avec ses réflexions philosophiques puisées à même le cirque du quotidien.

Un album essentiel par les temps qui courent, qui fait un bien immense.

★★★★

Les nouvelles aventures de Lapinot : un peu d’amour. Lewis Trondheim. L’Association. 48 pages.

L’été à Kingdom Fields : éloge du temps qui passe lentement

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Extrait de L’été à Kingdom Fields

Avec son style atmosphérique, ses grandes planches sans dialogue, son trait épuré et la lenteur assumée de ses récits, le Britannique Jon McNaught possède une signature unique dans l’univers de la bande dessinée.

Après notamment le magnifique Automne sorti il y a trop longtemps déjà (prix Révélation à Angoulême en 2013), il remet ça avec cet album très réussi, où il saisit les instants fugaces d’une famille en week-end sur la côte anglaise, alors que la mère veut faire connaître à ses deux enfants les lieux qui ont jadis bercé ses étés.

IMAGE FOURNIE PAR DARGAUD

Couverture de L’été à Kingdom Fields

Dans cette parenthèse familiale hors du quotidien, le temps passe lentement. La joie de la découverte côtoie l’ennui et la rêverie.

Les souvenirs remontent à la surface, d’autres se gravent. Et le lecteur, lui, se laisse porter par l’émotion, entre contemplation et apaisement. Un pur bonheur de lecture…

★★★★

L’été à Kingdom Fields. Jon McNaught. Dargaud. 104 pages.