C’est en découvrant les œuvres de l’artiste visuel James Kennedy, à l’atelier voisin de sa maison, à Montréal, que la romancière Chrystine Brouillet a eu l’idée de ce recueil de nouvelles. C’est que ce dernier, fasciné par l’acier, crée des sculptures murales monochromes saisissantes, dont une série consacrée aux ponts, mariant techniques de gravure et de photographie.

Brouillet a donc demandé à 12 auteurs (en plus d’elle-même), parmi lesquels Tristan Malavoy, David Goudreault et Johanne Seymour, de s’inspirer d’une œuvre de Kennedy représentant un pont – des plus familiers comme les ponts Jacques-Cartier ou Victoria, en passant par le pont de la Confédération, le Tracel de Cap-Rouge ou le Golden Gate – pour écrire une nouvelle. L’objet littéraire en tant que tel est magnifique, avec ses pages de papier glacé insérant, au début de chaque nouvelle, une reproduction de l’œuvre de Kennedy l’ayant inspiré. Le résultat de Ponts est probant, et traversé de motifs qui s’entrelacent et se rencontrent de nouvelle en nouvelle, bien que chacune déploie son propre univers et style narratif. Symbole tantôt de passage, tantôt de rupture, objet lié à la mort ou ouvrant les possibles, figure onirique ou dévastatrice, le pont devient le point d’ancrage de ces récits. Chez Claudine Bourbonnais, il prend la forme d’un piège entravant la libération anticipée d’une femme sous le joug d’un homme violent ; dans l’univers de David Goudreault, il subira une transformation, de tremplin vers la mort à celui vers une possible rédemption. Dans l’émouvante Retrouvailles, Brouillet trace le récit d’une femme endeuillée par le suicide de son amie du haut du pont de Cap-Rouge, qui trouvera, ultimement, le chemin vers la lumière. Une de nos nouvelles préférées, celle de Benoît Bouthillette, nous transporte dans un futur proche, alors que la population de l’Île-du-Prince-Édouard, épicentre d’un mouvement de contestation mondial, coupe les ponts avec le reste du pays, afin de se protéger d’un virus ravageur causé par le réchauffement climatique.

Ponts
Collectif, sous la direction de Chrystine Brouillet
Druide
246 pages