Les nombreuses crises sociales et politiques qui déchirent la France depuis quelques années se reflètent dans plusieurs romans de la rentrée. Mouvement des gilets jaunes, déficit de confiance envers les élites politiques, fracture sociale et inégalités économiques, suicides et dépression en entreprise, mouvement #metoo et revendications féministes… De l’extérieur, on dirait parfois que la France est à la veille d’imploser. Cette tension a visiblement inspiré plusieurs écrivains. Tour d’horizon.

Avec Comme un empire dans un empire (Flammarion), Alice Zeniter signe l’un des grands romans de la rentrée. L’autrice de L’art de perdre (Goncourt des lycées 2017) s’intéresse à l’engagement politique par l’entremise de deux personnages : un attaché politique et une hackeuse. Dans ce roman à la Zola (dont Zeniter se dit grande admiratrice), il est question de toutes les grandes questions de société qui traversent notre époque, et qui vont définir l’âge adulte de la génération Y.

PHOTO ASTRID DI CROLLALANZA, FOURNIE PAR FLAMMARION

Alice Zeniter

La précarité est un des thèmes récurrents chez plusieurs jeunes romanciers français cet automne. Celia Levi l’aborde dans La tannerie (Tristram), où le personnage principal, jeune femme qui « monte sur Paris », est embauchée comme stagiaire dans un centre culturel branché installé dans une usine désaffectée. Ce roman parle des jeunes qui tentent de se tailler une place au soleil malgré la crise.

Dans Radical (Albin Michel), Tom Connan raconte la rencontre de deux jeunes hommes, l’un de gauche, l’autre d’extrême droite, sur fond de violence et de mouvement des gilets jaunes. Le cynisme et le populisme sont au rendez-vous. Le mouvement des gilets jaunes est également présent dans La fièvre, d’Aude Lancelin (Les Liens qui libèrent). Il s’agit du premier roman de cette journaliste, ex-directrice adjointe à L’Obs et Marianne, qui a couvert ce mouvement comme journaliste. Elle s’est inspirée de la vraie arrestation d’un jeune électricien lors d’une manifestation pour raconter cette histoire qui parle d’inégalités sociales.

Patron et bourreau

La violence en milieu de travail est un autre thème qui revient dans plusieurs romans. Dans Personne ne sort les fusils (Seuil), Sandra Lucbert, écrivaine et sociologue, s’est inspirée de la vague de suicides au sein de France Telecom (elle a même assisté au procès des sept dirigeants accusés de harcèlement moral) pour écrire un roman qui parle de la violence du capitalisme, et de ses répercussions en entreprise.

Il est également question de tentatives de suicide et de violence sexuelle au travail dans Sept gingembres, de Christophe Perruchas (Rouergue). Enfin, dans Les nuits de l’été (Éditions de l’Olivier), de Thomas Flahaut, deux jeunes gens tentent de s’extirper de leur milieu socioéconomique, mais leur destin semble les ramener à l’usine où leur père s’est échiné pour tenter de leur offrir une vie meilleure.

PHOTO JOEL SAGET, ARCHIVES AGECE-FRANCE-PRESSE

Negar Djavadi

Gentrification, pauvreté et exclusion sont évoqués dans Arène, de Négar Djavadi (Éditions Liana Levi), qui raconte la montée de la violence dans un quartier de Paris après la mort d’un adolescent victime de violence policière. Dans Cinq dans tes yeux (L’Iconoclaste), Hadrien Bels, dont c’est le premier roman, raconte pour sa part l’embourgeoisement du quartier du Panier, à Marseille, dans les années 90, et l’impact de cette exclusion sur les rêves d’un groupe de jeunes. Enfin, les inégalités entre les sexes sont au cœur de quelques romans comme Sale bourge (Flammarion), de Nicolas Rodier, dans lequel l’auteur écrit du point de vue d’un mari violent. Ça parle, là aussi, de classes sociales et de privilèges.

La nouvelle génération de romanciers français est résolument engagée, et c’est beau à voir.