L’année 2019 a été riche en bandes dessinées de qualité. Qu’elle soit d’ici ou d’ailleurs, la BD s’est faite intimiste ou futuriste, biographique ou encore historique. Nos choix, en vrac.
La tournée
La solitude de l’écrivain et sa (microscopique) contribution à l’humanité sont au cœur de cet album graphique brillant réalisé par l’illustrateur et bédéiste anglais Andi Watson (Breakfast After Noon). Une histoire à l’humour absurde très english, au centre de laquelle on retrouve G.H. Fretwell, écrivain ignoré qui lance un nouveau livre dans l’indifférence générale avant de voir la malchance s’abattre sur lui. Une chute qui le mènera dans les dédales d’un scénario kafkaïen. L’album a été sélectionné à Angoulême cette année, on comprend pourquoi.
Dans la tête de Sherlock Holmes
Cet album hautement ludique, illustré avec beaucoup d’ingéniosité, réussit ce qu’on croyait impossible : présenter sous un jour nouveau le célébrissime Sherlock Holmes. Cyril Lieron et Benoit Dahan y sont arrivés. Comment ? En faisant littéralement entrer les lecteurs dans la tête du mythique détective londonien pour qu’ils puissent eux aussi collecter les indices afin de résoudre une affaire inédite. Le dénouement est attendu dans le tome 2. On a bien hâte.
MacGuffin & Alan Smithee : Opération Grande Zohra
La bédé d’aventure ou d’espionnage se fraie un chemin au Québec. Outre la très bonne série de Jacques Lamontagne (Shelton & Felter), on ne peut passer à côté de ce projet de Michel Viau (L’affaire Delorme) et Ghyslain Duguay, créé pour le 50e anniversaire d’Expo 67. Une série à la sauce OSS 117 qui met en vedette deux agents européens de la S6 (Section spéciale de sécurité et des services secrets supranationaux) dépêchés à Montréal pour sauver le monde. Une aventure qui se poursuit avec ce deuxième album.
Les Indes Fourbes
Une distribution de haut vol : Alain Ayroles (Garulfo) au scénario, Juanjo Guarnido (Blacksad) aux pinceaux. Un récit picaresque aux multiples rebondissements. Des illustrations somptueuses et une finale qu’on n’avait pas vue venir. Tous les ingrédients sont rassemblés pour faire de cet album un classique instantané. Suivre ce filou de Pablo jusqu’aux Amériques (qu’on appelait jadis les Indes), c’est s’embarquer dans une formidable aventure qui nous tient scotchés aux pages jusqu’à la dernière case. Du bonbon.
Orwell
Cette biographie de George Orwell est un joyau réalisé par le talentueux Pierre Christin (Valérian). D’abord pour le scénario, centré sur la jeunesse d’Eric Blair (né au Bengale et élevé en Angleterre), qui contient également des notes écrites par Orwell lui-même, parfaitement intégrées au récit. Les traits précis de Sébastien Verdier contribuent également à la facture graphique de qualité de cet album auquel ont aussi contribué des illustrateurs invités comme Olivier Balez, Blutch ou Enki Bilal. Une belle incursion dans les pensées de cet écrivain politique.
Paul à la maison
Dans son plus récent opus, le bédéiste montréalais Michel Rabagliati se révèle comme jamais. Son alter ego, Paul, vit mal avec son divorce, sa mère est malade, sa santé fout le camp, et l’eau de sa piscine a viré au vert… Bref, c’est un Paul à la dérive qu’on retrouve dans cette bande dessinée sombre, où le deuil et la solitude se glissent au premier plan. Un album-bilan très touchant, pour se rappeler que la vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille…
Bug
Impossible de passer à côté de cette série dystopique de l’illustrateur et bédéiste Enki Bilal saluée par la critique. On vous rappelle l’idée de départ : nous sommes en 2041 et un bogue mystérieux provoque le crash de l’internet. Toutes les données numériques disparues, le sort d’un vaisseau spatial qui rentre d’une expédition sur Mars repose entre les mains du commandant Kameron Obb, qui semble détenir en lui tout ce savoir humain. C’est pour cela que les services secrets des puissances mondiales veulent mettre la main dessus.
Cassandra Darke
Habituée à nous présenter des personnages d’une parfaite imperfection, la Britannique Posy Simmonds s’est surpassée avec son antihéroïne Cassandra Darke, une femme odieuse, chiche et aigrie qui fait une découverte susceptible de changer sa vie : un fusil oublié dans l’appartement de sa nièce… À mi-chemin entre la BD et le roman illustré, cet album aux dessins très élégants est un véritable délice, qui a connu, avec raison, un grand succès au Royaume-Uni.
Les petits garçons
Une des belles surprises de la bédé québécoise cette année. Sophie Bédard (Glorieux printemps) nous livre ici une chouette histoire sur l’amitié à travers le parcours de trois personnages féminins forts (Lucie, Nana et Jeanne). Un récit sans concessions, qui aborde avec tendresse et humour ce passage difficile, obligé et exaltant de l’adolescence à l’âge adulte. Avec des scènes campées à Montréal, dessinées avec beaucoup de talent, et des personnages colorés, traversés par des émotions à fleur de peau. On aime.
Grass Kings
Polar graphique planté dans un coin paumé des États-Unis, ce triptyque baigne dans une ambiance inquiétante. L’équilibre fragile du « royaume des Grass », où vit en semi-autarcie une bande d’anarchistes, est rompu lorsqu’une jeune fille à l’âme meurtrie vient y trouver refuge. Or, le shérif du village d’à côté a juré de la récupérer… peu importe le prix à payer. Cette série noire, encensée par la presse spécialisée aux États-Unis, nous est arrivée cette année en version française. Le dessin brut et l’intrigue bien ficelée gardent le lecteur sous tension constante. Une belle réussite.
Ils ont raté la liste de peu !
Yvette Letigre pousse son dernier souffle à 107 ans. Afin de ne pas sombrer dans le Néant éternel, elle doit prouver qu’elle a fait avancer l’humanité. Un album brillant, drôle et joliment absurde signé Tiphaine Rivière.
Parce que l’humour absurde, ça nous fait rire beaucoup et que ce portrait déjanté de Jos Montferrand en quête d’un élixir baptisé poutine nous a procuré un très agréable moment de lecture.
Le tome 1 d’une série très prometteuse inspirée librement de La ferme des animaux d’Orwell. Dessins expressifs, trame narrative solide, personnages bien campés ; de la très bonne BD.
Cet album est une œuvre d’art en soi signée Sandrine Revel, qui fait le portrait du peintre canadien Tom Thomson, mort à 40 ans dans des circonstances nébuleuses dans le parc Algonquin (en Ontario).