Quel est le contraire d'un mémoire de maîtrise en criminologie sur la santé mentale des détenus masculins dans les prisons fédérales? Réponse possible: des romans comiques ou carrément des livres de «chick lit» (littérature destinée au public féminin), vendus à plus de 150 000 exemplaires en trois ans! Amélie Dubois, auteure à succès franchement pas banale, a justement écrit ces deux extrêmes.

Au moment où vous lirez ces lignes, Amélie Dubois aura décidé si c'est en Inde du Sud ou au Costa Rica qu'elle voyagera un mois, seule avec son sac à dos, comme elle le fait depuis des années. «Sauf pendant les deux ans où j'ai décidé que j'allais désormais vivre uniquement de ma plume, explique en riant la jeune psycho-criminologue de formation. Disons que j'ai fait dans la simplicité volontaire à cette époque!»

Voyager seule sac au dos, c'est exactement ce que ne font pas du tout ses héroïnes Vicky, Katia et Caroline, les trois professeures de polyvalente de Gatineau dont les mésaventures sont au coeur de son roman Ce qui se passe au Mexique reste au Mexique (plus de 50 000 exemplaires vendus et Prix du grand public du Salon du livre de Montréal 2013 dans la catégorie littérature).

Anti-Sex and the City

Coups de soleil, gueules de bois, chambre insalubre dans un «tout inclus», mais aussi fiestas, rencontres et sexe sont plutôt au rendez-vous! «Ma motivation, c'est de livrer quelque chose de différent, explique Amélie Dubois. Souvent, dans les livres de type "chick lit", on suit des héroïnes très riches, très glamour, très typées, etc. J'ai voulu faire le contraire.»

«C'est un peu l'anti-Sex and the City: mes héroïnes, des filles ordinaires, vivent des aventures le temps d'une parenthèse dans leur vie normale, mais doivent rentrer à la maison après! Elles sont à la fois amies et collègues, on vit tous ça, la proximité professionnelle. Rêver, c'est bien, s'identifier, c'est mieux.»

Et ça marche pas à peu près: près de 50 semaines au palmarès ventes pour Ce qui se passe au Mexique! Il y a quelques semaines, Amélie Dubois récidivait avec son huitième roman depuis 2011, Ce qui se passe au congrès reste au congrès. La suite des mésaventures de Vicky, Katia et Caroline se déroule cette fois à Québec, à l'hôtel Hilton, pendant un congrès sur l'éducation. Disons que partys, alcool et séduction sont plus au programme que conférences et ateliers sur les compétences transversales! Le livre, lui, est dans le top 10 des ventes depuis sa sortie.

Comédie

«Dans ma série des Ce qui se passe..., je ne veux pas du tout faire dans la comédie romantique, mais bien dans la comédie tout court, explique l'auteure née à Danville. C'est de la pure rigolade, avec en plus du "bad ending"[fin catastrophique]. Disons que j'explore la thématique «Est-ce que ça peut être pire? Oui, ça peut! «» Disons qu'on est loin, très loin des petites filles modèles...

Même chose dans son roman Oui, je le veux... et vite! (2012), où trois amies se lancent dans une compétition pour être la plus rapidement mariée. C'est franchement loufoque... et franchement très fictif, assure Amélie Dubois!

Résultat: tant les Ce qui se passe... que Oui, je le veux ont non seulement des tas de lectrices, mais aussi des tas de lecteurs, car tout le monde peut s'identifier - ou identifier un proche, un collègue - dans les personnages inventés par l'ex-criminologue.

Et puis, sous le rocambolesque et les gags, Amélie Dubois a aussi un discours critique. Dans Ce qui se passe au Mexique..., par exemple, les touristes québécois visitent une fabrique de cigares inventée de toutes pièces par les Mexicains vivant dans les environs du fameux «tout-inclus»: ils peuvent ainsi profiter de la manne, tout en subissant les commentaires déplacés ou sans gêne des Québécois de passage. Toute ressemblance...

Littérature de filles

Il n'en va pas de même pour sa série intitulée Chick Lit («j'assume complètement ce type de littérature»), dont Amélie Dubois a écrit les cinq tomes entre 2011 et 2013 et qui se rapproche davantage de l'autofiction.

Ils sont d'ailleurs écrits au «je»: la narratrice, Mali (elle travaille dans le milieu carcéral!), relate, à grands coups de dialogues, ce qu'elle vit aux côtés de ses amies Geneviève, Cori et Sacha, toutes quatre «céliba-stars» - en quelque sorte le pendant féminin de la série télé Les Invincibles.

En 2011, les deux premiers tomes de Chick Lit, intitulés La consoeurie qui boit le champagne et Une consoeur à la mer!, sont lancés discrètement par Les Éditeurs réunis. Oui, je le veux... et vite! sort l'année suivante et le succès ne se fait pas attendre: 20 000 exemplaires, vendus dans le temps de le dire. «Du coup, les gens se sont procuré mes autres livres...»

Popularité

Si la série Chick Lit a des lectrices dont l'âge oscille entre 30 et 40 ans, les Ce qui se passe rejoint un plus large public, âgé de 20 à 60 ans, comme on l'a vu dans les files d'attente pour une dédicace au Salon du livre de Montréal en novembre. Et qui explique le Prix du grand public décerné à Ce qui se passe au Mexique... pendant le même Salon.

À raison de deux livres par année, Amélie Dubois écrit tous les jours... sauf pendant ses voyages, hors des sentiers battus, en Inde, au Pérou, au Cambodge, au Chili, en Équateur, en République dominicaine, au Laos, etc.: «Je dirais que je réfléchis mes livres en voyage, j'apporte juste un carnet avec moi!»

Carnet qui se remplit toujours vite. En 2014, un sixième tome de Chick Lit sera publié, ainsi qu'un roman en un seul tome, avec pour héroïne une femme dans le début de la quarantaine. Et en 2015? Un autre tome de la série Ce qui se passe est au programme. Dans quel imbroglio se retrouveront cette fois Katia, Vicky et Caroline? On a en tout cas une suggestion à faire à Amélie Dubois: pourquoi pas un «ce qui se passe à Paris reste à Paris» ?

Extrait

«Assises à la même table depuis déjà plus d'une heure, les filles assistent à la conférence d'un homme et d'une femme faisant l'éloge de certaines nouvelles stratégies de motivation pédagogique pour maximiser la capacité d'attention des élèves en classe. Caroline prend plusieurs notes. Le français n'étant pas la matière préférée de la plupart de ses élèves, c'est un point qui l'intéresse particulièrement. En se tournant vers Vicky, assise à sa droite, elle remarque que celle-ci sommeille encore, comme lors de la conférence du matin. Les jambes croisées et bien allongées devant, elle penche maintenant la tête vers l'avant. Ses bras sont repliés sous sa poitrine. Elle ressemble à un Mexicain faisant la siesta en après-midi sous un soleil ardent. Cependant, l'absence du fameux sombrero rend sa sieste plus qu'évidente aux yeux de tous. À sa gauche, Katia, encore moins subtile, est carrément affalée de côté, sa tête reposant au creux de sa main, son coude bien posé sur la table.»

(Ce qui se passe au congrès reste au congrès)