À mesure qu’En attendant la fête au village progresse, Matthieu Pepper révèle l’étendue de son registre comique. Son premier spectacle procure le même effet que celui d’un généreux câlin.

Le défunt père de Matthieu Pepper était du genre à s’exclamer de joie à la vue d’un lilas en fleurs. Et son fils est de la même espèce : bien qu’il use abondamment de l’ironie, les réactions que suscitent chez lui toutes les formes, plus ou moins graves, de bêtise humaine, tiennent moins de l’irritation que de l’émerveillement.

Matthieu Pepper n’en revient pas que nous soyons si nonos, si orgueilleux, si incapables de nous dire les proverbiales vraies choses. Matthieu Pepper n’en revient que la race humaine ait cru bon inventer autant de sortes de pains. Matthieu Pepper génère beaucoup de rires en exagérant la confusion que provoquent chez lui les absurdités qui lui profèrent le médecin, la madame des dégustations au supermarché ou sa maman.

Mais Matthieu Pepper, digne héritier de son paternel, fait le choix de s’en amuser. Il n’est pas rare d’ailleurs que le rire s’empare de lui entre la prémisse et le punch de ses blagues.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Enfance, adolescence, début de la vie adulte : voilà autant de figures imposées d’une première œuvre comique, dont Matthieu Pepper s’acquitte avec une solidité bien assise sur sa grande expérience de la scène.

Présenté mardi à l’Olympia, En attendant la fête au village, son premier spectacle, se déploie comme un crescendo, la soirée s’amorçant sur quelques numéros durant lesquels l’humoriste ressemble à un pianiste qui fait ses gammes, juste pour montrer ce dont il est capable.

Enfance, adolescence, début de la vie adulte : voilà autant de figures imposées d’une première œuvre comique, dont Pepper s’acquitte avec une solidité bien assise sur sa grande expérience de la scène – en plus d’animer au Bordel, il a assuré depuis 2017 les premières parties de plusieurs amis. Qu’il parle de sa maternelle ou de ces longues années où il a fait pipi au lit, le gars de 33 ans brille, mais jusque-là, sans étonner.

En attendant la fête au village sort des balises d’un premier spectacle d’humour quand son créateur se mesure au sujet de la sexualité sous un angle qui tranche avec la perspective plus frontale de bien de ses collègues. En enjoignant les membres du public à soigner la grammaire et l’orthographe des messages coquins qu’ils envoient, Matthieu Pepper s’érige en ayatollah de la langue des sextos, que Guy Bertrand se le tienne pour dit.

Le jubilatoire moment durant lequel il se demande s’il doit mettre un s à un mot plutôt polisson, au-delà de sa profonde drôlerie, encapsule bien des choses à propos de notre hôte. Il a beau prétendre s’être « habitué à décevoir le monde », son sourire semble toujours cacher une crainte de ne pas être à la hauteur, une palpable sensibilité insufflant à ses blagues, même les plus légères, une sorte de supplément d’âme.

La lumière dans la mort

Si la toxicité d’une certaine masculinité a beaucoup été auscultée dans les médias, et sur scène, au cours des dernières années, Matthieu Pepper arrive malgré tout à en tirer de nombreuses observations originales – nous ignorions, nous aussi, qu’il existe des croustilles plus viriles que d’autres. Le crescendo sur lequel est construit son spectacle amorce son ascension à mi-parcours alors qu’il évoque le désir qui l’a longtemps habité d’avoir un père différent du sien.

C’est que, qualifié d’homme rose, papa Pepper aimait à s’enquérir des émotions de son fiston et à se charger des tâches ménagères, une attitude aux antipodes de celle des pères rustres et vaguement homophobes que le garçon côtoyait chez ses amis.

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Si la toxicité d’une certaine masculinité a beaucoup été auscultée dans les médias, et sur scène, au cours des dernières années, Matthieu Pepper arrive malgré tout à en tirer de nombreuses observations originales.

Un jour, alors qu’il était ado, Matthieu Pepper a demandé à son père de l’accompagner à un évènement de monster trucks au Stade olympique, même s’il savait trop bien que ni son père, ni lui-même s’y plairait. Pepper père et fils ont fini leur sortie au Jardin botanique, un lieu qui leur convenait beaucoup mieux à tous les deux.

En attendant la fête au village procure un effet analogue à celui que procure le Jardin botanique à son créateur, et pourrait ainsi être qualifié de spectacle réconfort, au même titre que l’on parle d’un feel-good movie. Matthieu Pepper est l’archétype d’un bon humoriste grand public, qui respecte suffisamment l’intelligence de son public pour ne pas le conforter dans ses préjugés, mais sans jamais pour autant choquer.

La fin du spectacle, dans laquelle il se confie au sujet de son obsession pour la mort, avant de raconter celle de son père, aurait pu lui fournir la matière suffisante à une heure complète, tant il parvient à injecter de la lumière à ce thème, tout en évitant les lapalissades.

Malgré un passage longuet dans lequel il s’imagine Champlain et Cartier apprenant dans l’au-delà comment on leur a rendu hommage après leur mort, cette vingtaine de minutes contient à elle seule la promesse d’une riche carrière.

« Garde-moi dans tes bras plus longtemps », a déjà demandé le père de Matthieu à son fils, qui l’aidait à se déplacer, dans sa chambre d’un centre de soins palliatifs. Vous trouverez dans ce spectacle le généreux câlin dont vous avez peut-être besoin.

En attendant la fête au village

En attendant la fête au village

de Matthieu Pepper

En tournée partout au Québec

7,5/10