C’est le père de Matthieu Pepper qui lui a fourni le poétique titre de son premier spectacle, En attendant la fête au village. Conversation sur la mort avec l’humoriste au sourire le plus réconfortant de l’Union des artistes.

« Au début, je ne voulais pas trop parler de mon père », confie l’humoriste Matthieu Pepper, assis à une table du Bordel Comédie Club, où il a longtemps été animateur et où il joue encore régulièrement. « Rachid Badouri a tellement parlé de son père, c’est comme si ça avait déjà été fait. » Mais comment, à bien y réfléchir, ne pas évoquer sur scène celui qui l’a initié au merveilleux monde du spectacle ou, enfin, à quelque chose qui y ressemble ?

Préadolescent, le cadet d’une famille de cinq a souvent assuré la direction technique des baptêmes que son père, diacre, présidait les dimanches. « Il avait sa chanson d’entrée, sa chanson pour la signature des registres, une autre plus solennelle pour sa conclusion, que je devais toutes partir au bon moment », raconte le fils, que rien alors ne pouvait rendre plus heureux.

Marc Pepper a aussi été accompagnateur spirituel pour les personnes en fin de vie à l’hôpital de Joliette, où il pratiquait la « science » de la « toutoulogie », en utilisant des peluches afin d’apprivoiser les patients rétifs à ses visites.

Une sorte de Patch Adams, remarque-t-on, ce qui fait éclater Matthieu de rire, pas une denrée rare chez lui.

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Matthieu Pepper

Ça aurait tellement flatté l’ego de mon père de t’entendre [le comparer à Patch Adams]. En fait, je pense qu’il aurait aimé faire ce que je fais dans la vie.

Matthieu Pepper

Le bon gars

Emporté par un cancer du côlon en 2018, à l’âge de 65 ans, papa Pepper n’aura pas la chance d’assister à la première de son fils, mardi soir à l’Olympia, mais aura néanmoins fourni son titre poétique à ce premier spectacle intitulé En attendant la fête au village.

Dans un sursaut de lucidité, alors que son état s’était détérioré, l’homme annonce à sa famille qu’il aimerait « faire la fête au village ce soir », une phrase symbolisant pour le fils son espoir qu’aux périodes de grands vents succède la douce chaleur des étreintes. Une idée à laquelle il n’est cependant pas toujours facile de croire.

Matthieu Pepper est, lors de ses présences à la télé ou à la radio, l’archétype de l’invité payant, s’esclaffant à toutes les anecdotes, l’œil vif et le sourire réconfortant. S’il présente une mine tristounette sur son affiche, c’est afin de signaler aux spectateurs qu’il n’est pas que ce que les apparences laissent filtrer.

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Matthieu Pepper avec sa mère, en mars dernier, au Gala Les Olivier

« Il n’y a rien de faux dans ce que je suis à la télé, mais ç’a beaucoup contribué à ce que les gens ne me voient que comme le gars sympathoche, alors que moi, je me sais plus tourmenté, plus anxieux, plus complexe », explique celui qui est reparti du plus récent Gala Les Olivier avec la statuette de la Découverte de l’année (et qui s’en veut encore d’avoir déplacé le dos de sa pauvre maman en la soulevant de terre).

Son désir de montrer son proverbial côté sombre, celui qui obsède à l’idée d’un jour mourir et qui peine à trouver des satisfactions ailleurs que dans le travail, l’aura parfois amené, au début de son processus de rodage, à verser dans l’excès inverse.

« À un moment donné, je venais de me séparer et mon show était d’une platitude ! J’avais trop envie d’absolument dire quelque chose et j’ai dû trouver un équilibre, pour que les gens passent un bon moment », raconte le gars de 33 ans, créateur de la série Entre deux draps.

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Matthieu Pepper

Il y a cinq ans, je faisais plein de jokes peut-être plus faciles, que je n’aimais pas nécessairement, mais qui fonctionnaient. Ça me donnait une contenance et une ponctuation. Maintenant, je veux surtout faire quelque chose qui me représente.

Matthieu Pepper

« Une vraie kermesse »

La mort de son père, Matthieu Pepper le reconnaît, ne s’est pas accompagnée chez lui de grandes révélations épiphaniques sur le sens de la vie. Mais c’est inévitable, l’humoriste mesure peut-être un tout petit peu plus à quel point il vaut mieux accomplir ce que l’on souhaite accomplir – vivre ! – alors que c’est le temps, une des idées maîtresses du livre qu’a publié Marc Pepper en 2017, Je ne mourrai pas avant d’être mort, dans lequel il raconte ses rencontres avec certains de ses patients les plus marquants.

La première médiatique de Matthieu Pepper devait d’abord se tenir dans l’intimité du Gesù, à sa demande. « Et un matin, j’ai appelé mon équipe pour leur dire que, finalement, je voulais faire la première à l’Olympia, dans une grosse salle. C’est peut-être la seule première que je vais faire de ma vie et si c’est le cas, je veux que ce soit une vraie kermesse. »

Il ajoute, sans que ce soit clair s’il parle de sa carrière d’humoriste, de la vie en général, ou des deux : « Tu ne sais jamais quand tout ça s’arrête. »

Le 24 octobre à l’Olympia et en tournée partout au Québec

Consultez le site de Matthieu Pepper