Dans un appel téléphonique surréel, l’humoriste Sébastien Trudel a réussi à piéger nul autre que… Donald Trump, appâté, de l’avis d’experts, par son désir d’« attention médiatique ».

« Désolé si je parle vite. Je suis encore un peu sur l’adrénaline », s’excuse au bout du fil Sébastien Trudel, quelques heures à peine après avoir raccroché avec l’ancien président des États-Unis, mercredi matin.

Connu pour ses canulars téléphoniques du temps qu’il faisait partie des Justiciers masqués, l’animateur de radio a accepté de raconter comment il avait réussi à piéger le politicien, et ce, en moins de 48 heures.

Le plan a été décidé lundi. L’animateur anglophone Jason Rockman, également dans le coup, se ferait passer pour l’acteur Clint Eastwood. Républicain assumé, l’acteur chercherait à s’entretenir avec l’ancien président afin de lui faire part de son appui.

C’est la première étape de tout canular réussi : leurrer la victime avec une histoire suffisamment convaincante qui n’éveillera pas les soupçons.

« On s’est dit que son ego est tellement énorme qu’il allait peut-être accepter de parler à Clint Eastwood », explique celui qui a piégé une longue liste de personnalités, dont Bill Gates, Janet Jackson, Nicolas Sarkozy, Paul McCartney et Tiger Woods.

La deuxième étape est généralement la plus ardue : réussir à faire parvenir le message à son destinataire. Les deux complices ont eu l’idée de contacter le club de golf de Donald Trump à West Palm Beach. C’est un jeune employé qui a répondu à leur appel.

« On lui a dit : “Clint Eastwood veut parler à Trump. Note ça sur un papier et apporte-le à quelqu’un d’important” », raconte Sébastien Trudel.

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À leur grande surprise, l’équipe de l’ancien président a mordu à l’hameçon. Mardi soir, M. Trudel a été contacté par une employée de Donald Trump, qui lui indiquait qu’un entretien pourrait avoir lieu dans les heures suivantes.

L’appel a finalement été reporté à mercredi matin afin de se dérouler en la présence de journalistes américains, invités à assister à l’entretien.

« C’est incroyable d’avoir réussi à déjouer tous ces gens-là en quelques heures seulement », fait valoir M. Trudel. D’expérience, un canular de cette envergure peut facilement prendre des « mois » à organiser, souligne-t-il.

Georges St-Pierre

Au total, l’appel a duré une dizaine de minutes. Dans un extrait obtenu par La Presse, Donald Trump aborde son inculpation pour tentative de manipulation lors de l’élection de 2020 en Géorgie.

« C’est terrible. Personne n’y croit », lâche l’ancien président à son interlocuteur qu’il croit être Clint Eastwood.

Pendant l’appel, il joue à la victime, il beurre épais. Tu te rends compte qu’il ne se doute de rien du tout.

Sébastien Trudel

Au bout d’un moment, l’animateur francophone se joint lui aussi à l’appel, prétextant qu’il est Georges St-Pierre. Après de chaleureux compliments de la part de Donald Trump, il lui propose d’organiser un combat contre le « champion canadien Mario Tessier » pour financer sa campagne électorale, ce à quoi l’ancien président lui répond qu’ils « s’en reparleront ».

« Je pensais qu’il allait s’en rendre compte, mais ça n’a pas eu l’air de le déranger que Georges St-Pierre soit chez Clint Eastwood ! », blague M. Trudel.

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C’est seulement à la toute fin de l’appel que l’humoriste a dévoilé le canular. « Il a bien réagi, je dois dire. Mais il était devant les journalistes », note Sébastien Trudel. L’employée, quant à elle, était « dans tous ses états ».

Quelques heures après leur discussion, l’animateur avait encore du mal à croire ce qui s’était passé. « C’est complètement fou. Ça n’a même pas de sens ! », s’exclame l’humoriste.

L’entrevue complète sera dévoilée jeudi durant l’émission Ça rentre au poste sur le réseau Énergie. Un premier extrait a toutefois été présenté mercredi à 14 h 55.

Une incidence modeste

« Je ne pense pas que ça va changer grand-chose à la manière dont Donald Trump est perçu », estime Karine Prémont, directrice adjointe de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. Il s’agit plutôt, croit-elle, d’un exemple de plus du caractère distinct de M. Trump, « déjà considéré comme très différent » des autres présidents et des anciens présidents.

Et si le canular atteste de son désir de s’acoquiner « aux riches et aux célèbres », il risque d’être « anecdotique » aux yeux de la plupart des Américains.

« L’impact sur l’opinion publique risque d’être minime », croit aussi Rafael Jacob, de la Chaire Raoul-Dandurand. Tout a été « dit, écrit et allégué » au sujet de Donald Trump, « et ce n’est pas une entrevue radiophonique de la sorte qui va faire changer la manière dont il est perçu ».

Le canular n’est pas sans rappeler l’entrevue comique réalisée il y a une vingtaine d’années par le comédien britannique Sacha Baron Cohen, interprétant son personnage d’Ali G, avec Donald Trump. Dans ce cas comme dans celui de Sébastien Trudel, « on se demande comment c’est possible d’arriver à parler si facilement à Donald Trump », affirme M. Jacob.

Avec la collaboration de Bruno Marcotte, La Presse

Plus de canulars marquants

PHOTO DYLAN MARTINEZ, ARCHIVES REUTERS

La reine Élisabeth II en 2009

La reine Élisabeth II

De tous les canulars, c’est de loin le plus impressionnant. En 1995, Pierre Brassard a réussi l’exploit de s’entretenir avec la reine Élisabeth II pendant sept minutes ! L’humoriste s’était fait passer pour le premier ministre canadien de l’époque, Jean Chrétien, inquiet de la situation au Canada à l’approche du second référendum. « Je serais ravie de faire tout ce que je pourrai pour aider », dit la reine. En Angleterre, la nouvelle fait la une de tous les quotidiens. La même année, l’humoriste avait aussi coincé le pape Jean-Paul II, encore une fois en se présentant comme Jean Chrétien.

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PHOTO CHERYL SENTER, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Sarah Palin

Sarah Palin

En 2008, le duo humoristique formé de Sébastien Trudel et Marc-Antoine Audette réussit à piéger la candidate républicaine à la vice-présidence, Sarah Palin. Croyant s’adresser au président français Nicolas Sarkozy, la politicienne s’est mise dans l’embarras, notamment parce qu’un tel entretien en pleine campagne électorale n’aurait pu avoir lieu sans l’aval de la Maison-Blanche. Publié sur YouTube, le canular a fait le tour du monde.

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PHOTO PASCAL POCHARD-CASABIANCA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Nicolas Sarkozy, ancien président de la France

Nicolas Sarkozy

Avant d’utiliser la voix d’un faux Nicolas Sarkozy pour piéger Sarah Palin, les Justiciers masqués avaient tenté – et réussi – de parler au président français, en 2007. En prenant la voix du premier ministre canadien de l’époque, Stephen Harper, ils ont tenu une conversation sur l’importance « de porter à droite » tant au Canada qu’en France.

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