Sur un grand patio surplombant le terrain de golf de son club privé de Bedminster, dans le New Jersey, l’ancien président américain Donald Trump a dîné dimanche soir avec une proche alliée politique, la représentante Marjorie Taylor Greene.

C’était l’occasion pour l’ancien président de prendre des nouvelles de la représentante de la droite dure de Géorgie. Mais autour d’un flétan et d’un Coke Diète, Mme Greene a abordé un sujet qui intéresse beaucoup M. Trump : les pressions exercées par les républicains de la Chambre des représentants pour mettre en accusation son adversaire probable à l’élection de l’année prochaine.

« Je l’ai informé de la stratégie que je souhaite voir mise en œuvre pour la destitution », a déclaré Mme Greene lors d’une brève interview téléphonique.

Le souper de M. Trump avec Mme Greene a eu lieu deux jours avant que le président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, annonce sa décision, mardi, d’ordonner l’ouverture d’une enquête sur la destitution du président Joe Biden, sous la pression intense de son aile droite.

PHOTO HAIYUN JIANG, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Kevin McCarthy, président de la Chambre des représentants

Au cours des derniers mois, M. Trump a suivi de près l’élan des républicains de la Chambre des représentants en faveur de la destitution de M. Biden. Il s’est entretenu régulièrement par téléphone avec des membres du groupe ultraconservateur Freedom Caucus de la Chambre des représentants et d’autres républicains du Congrès qui ont poussé pour la destitution, selon un proche de M. Trump qui n’a pas été autorisé à parler publiquement de ces conversations. M. Trump a encouragé ces efforts en privé et en public.

Mme Greene, qui a introduit des articles de destitution contre M. Biden, a déclaré qu’elle avait dit à M. Trump qu’elle souhaitait que l’enquête de destitution soit « longue et atrocement douloureuse pour Joe Biden ».

Elle n’a pas voulu dire ce que M. Trump a répondu, mais elle a souligné que son but ultime était d’obtenir une « longue liste de noms » – des personnes qui, selon elle, étaient des coconspirateurs impliqués dans les crimes de la famille Biden. Elle a déclaré qu’elle était convaincue que Trump regagnerait la Maison-Blanche en 2024 et qu’elle voulait « s’en prendre à chacun d’entre eux et utiliser le ministère de la Justice pour les poursuivre en justice ».

Pas de preuve contre le président

Alors que Hunter Biden, le fils de Joe Biden, fait l’objet d’une enquête de la part d’un avocat spécial qui devrait bientôt porter plainte contre lui pour détention d’arme à feu et pourrait également l’accuser de ne pas avoir déposé sa déclaration de revenus dans les délais impartis, les républicains n’ont pas démontré que Joe Biden avait commis un quelconque délit.

Les républicains de la Chambre des représentants poursuivent l’enquête de destitution sans avoir la preuve que Joe Biden a pris des mesures officielles en tant que vice-président pour favoriser les intérêts financiers de son fils ou qu’il a directement profité des transactions de ce dernier à l’étranger.

Au cours du dernier mois, M. Trump s’est également entretenu chaque semaine avec la représentante Elise Stefanik de New York, troisième républicaine à la Chambre des représentants, selon une personne au fait de ces conversations, qui n’était pas autorisée à en parler publiquement. Au cours de ces conversations, Mme Stefanik a également informé M. Trump de la stratégie de l’enquête sur la destitution, a indiqué cette personne.

L’ancien président a remercié Mme Stefanik d’avoir soutenu publiquement l’enquête de destitution en juillet, a ajouté cette personne. Mme Stefanik, qui s’est entretenue à nouveau avec M. Trump mardi après que M. McCarthy a ordonné l’ouverture d’une enquête de destitution, a été le premier membre de la direction républicaine de la Chambre des représentants à demander publiquement que la première étape de la procédure de destitution de M. Biden soit franchie.

Une personne au fait des réflexions de M. Trump a dit que, malgré son empressement à faire avancer l’enquête, l’ancien président n’a pas forcé la main à M. McCarthy. M. Trump s’est montré beaucoup plus agressif en poussant plusieurs membres à effacer son propre dossier de destitution, a déclaré cette personne, potentiellement en amenant le Congrès à prendre la mesure sans précédent d’effacer ses deux procédures de destitution du dossier de la Chambre des représentants.

Des demandes explicites

Selon deux personnes ayant une connaissance directe de ses déclarations privées depuis plusieurs mois, M. Trump n’a pas exprimé d’inquiétude quant à la possibilité que l’effort de destitution de M. McCarthy se retourne contre lui et profite à M. Biden. Au lieu de cela, il a demandé à un allié pourquoi il n’y avait pas eu de mouvement en faveur de la destitution de M. Biden lorsqu’il a appris que la Chambre des représentants reprenait ses travaux.

Un porte-parole de M. McCarthy n’a pas répondu à une question concernant ses interactions avec l’ancien président au sujet de la destitution.

Interrogé à ce sujet, le directeur de la communication de M. Trump, Steven Cheung, a rappelé les déclarations publiques de M. Trump sur la destitution de M. Biden.

Les commentaires publics de l’ancien président sur la possibilité d’une mise en accusation de Joe Biden sont passés de réflexions nostalgiques sur l’inaction supposée du ministère de la Justice à des demandes explicites.

Ils nous ont persécutés et pourtant, Joe Biden est un criminel pur et dur, pris en flagrant délit, et rien ne lui arrive. Oubliez la famille. Rien ne lui arrive.

Donald Trump, ancien président des États-Unis, lors d’un rassemblement en mars

En juin, lors d’une réunion publique avec Sean Hannity, animateur de Fox News, M. Trump a déploré ce qui s’est passé après que les autorités ont trouvé des boîtes de documents classifiés dans sa propriété de Mar-a-Lago et dans la résidence des Biden dans le Delaware.

« C’est un double système de gouvernement », a déclaré M. Trump. « Vous parlez de loi et d’ordre. On ne peut pas faire régner la loi et l’ordre dans un pays où il y a une telle corruption. »

« S’en prendre » à Biden

Le même mois, après que M. Trump a été inculpé pour avoir conservé de manière inappropriée des documents sensibles relatifs à la sécurité nationale et avoir fait entrave au travail des enquêteurs, il a déclaré que s’il était réélu, il nommerait un procureur spécial pour « s’en prendre » à M. Biden et à sa famille.

Dès le mois de juillet, M. Trump a commencé à suggérer que les républicains devraient le mettre en accusation et, à mesure que l’été avançait, il a fait part de son désir avec plus d’insistance.

« Ainsi, ils me mettent en accusation pour un appel téléphonique “parfait” et ils ne mettent pas en accusation Biden pour avoir été le président le plus corrompu de l’histoire des États-Unis », a écrit M. Trump en majuscules sur sa plateforme de réseaux sociaux, Truth Social.

Fin août, dans un autre message presque entièrement en majuscules sur le réseau Truth Social, l’ancien président a écrit, en faisant référence aux républicains du Congrès : « Soit vous mettez en accusation ce minable, soit vous tombez dans l’oubli. C’est ce qu’ils nous ont fait ! » 

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

Lisez la version originale de l’article (en anglais ; abonnement requis)