Le festival Juste pour rire a peut-être écarté les galas d’humour de son affiche, mais au ComediHa! Fest-Québec, ces soirées aux menus variés sont et demeureront la pierre angulaire de la programmation, et pour longtemps. L’entente de télédiffusion avec Radio-Canada vient même d’être renouvelée pour trois autres années.

Sylvain Parent-Bédard, président et fondateur de ComediHa!, bombait le torse en annonçant la nouvelle à La Presse en début de semaine, alors que l’encre n’était pas encore tout à fait sèche sur le contrat. Les galas du ComediHa! Fest seront ainsi relayés à ICI Télé au moins jusqu’en 2026.

Chacun des six galas ComediHa! de trois heures en salle est scindé en deux émissions d’une heure à la télé, soit au total 13 rendez-vous de 60 minutes à visionner dans nos salons, dont un montage de meilleurs moments. Les éditions présentées cette semaine au ComediHa! Fest pourront être vues cet automne à ICI Télé.

Tant le sourire du producteur que ses explications l’attestent : alors que son vis-à-vis montréalais à la mascotte verte remet en cause la pertinence des galas comiques en raison de la multiplication des tribunes, à Québec, la formule constitue toujours une manne. La réponse est bonne chez les festivaliers ; la prévente des billets pour les spectacles menés cette année par Marc Dupré, Laurent Paquin, Anthony Kavanagh, Dominic et Martin, Cathy Gauthier et Silvi Tourigny et Michel Courtemanche a même atteint des chiffres record, il y a quelques mois. Les cotes d’écoute dans la case du vendredi à 21 h à ICI Télé reflètent également l’engouement, mentionne Sylvain Parent-Bédard, qui évoque des parts de marché de 15 à 25 % dans son créneau.

« La formule n’est pas usée. Si, une année, tu te promènes, tu fais des thématiques, ça peut devenir compliqué. Mais un gala d’humour stand up qui reste un gala d’humour stand up, où les artistes viennent livrer des performances et où on laisse libre cours à la création, on s’y retrouve », signale l’homme d’affaires.

« On n’a jamais eu de problèmes avec la qualité de nos galas. On a atteint un bel équilibre entre la vedette qui a déjà sa carrière qui roule bien, et la possibilité d’être un tremplin pour la relève », dit-il.

C’est vrai que les réseaux sociaux donnent aujourd’hui une belle visibilité aux jeunes artistes, mais nous, on donne un encadrement professionnel, de la création d’un numéro jusqu’à la livraison sur scène devant public et devant des millions de téléspectateurs.

Sylvain Parent-Bédard

Doyen des pilotes de galas Juste pour rire (il en a mené 18 en carrière), Laurent Paquin, qui répétait mercredi après-midi en vue de son gala à l’horaire le soir même, s’est pour sa part montré aussi déçu que catégorique à ce sujet.

« Ils n’auraient pas dû faire ça, tranche l’humoriste à propos de la décision de Juste pour rire d’abandonner les galas. Moi, j’aurais continué, quitte à ne pas les télédiffuser. Ç’aurait peut-être été encore meilleur ! Les galas seraient devenus plus rares, plus recherchés, plus intimes. »

Autre morceau important de l’offre du ComediHa! Fest-Québec, les Grands Bien-cuits sont pour leur part diffusés à TVA, et des pourparlers sont en cours avec Noovo pour développer d’autres idées à matérialiser. La chaîne de Bell Média a retransmis pendant cinq ans les Roast Battle aussi issus du festival.

Presque 25 ans

On devine donc que les galas du 25e anniversaire du ComediHa! Fest, l’an prochain, seront grandioses. Foi de Sylvain Parent-Bédard, on entendra abondamment parler de ce cap important que franchira son « bébé », qu’il décrit comme « le plus grand festival d’humour francophone au monde ». Plus grand que Juste pour rire ? Notre manitou sourit.

« Dans le monde francophone, c’est le plus grand, insiste-t-il. Si on regarde Just For Laughs, on est loin en arrière et ils nous regardent dans leur rétroviseur solide ! Mais on est passés de deux jours de festivités pour un budget de 300 000 $ à une entreprise qui a aujourd’hui un budget global de près de 40 millions, et un festival francophone de 15 à 16 millions. Est-ce qu’on a la même notoriété que Juste pour rire ? À l’international, je ne crois pas. Mais on est en voie de l’avoir. »

Elle est en effet loin, cette époque, en 2000, où le « ti-cul de Lévis » de 29 ans qu’était Sylvain Parent-Bédard, passionné d’événementiel et d’humour, inaugurait son mini-festival, faisant fi de l’opinion d’un Gilbert Rozon convaincu que deux rassemblements humoristiques du genre ne pouvaient cohabiter dans la même province.

La fête avait été baptisée le Grand Rire Bleue (pour honorer le commanditaire d’alors, Labatt), et reposait sur deux galas, animés par Jean-Michel Anctil et Mario Grenier, et un spectacle extérieur des 3 ténors de l’humour (Steeve Diamond, Michaël Rancourt et Louis-Philippe Beaulieu)… qui avait dû être repoussé de deux jours pour cause de pluie. La même année, Jean-Marc Parent avait aussi gardé son public captif en plein air jusqu’à 3 h du matin.

L’évènement a ensuite grandi, grossi. A été renommé ComediHa! Fest-Québec en 2015 par souci de compréhension ailleurs dans le monde. A attiré quelques pointures internationales (Whoopi Goldberg, John Malkovich, Roberto Benigni, Jerry Seinfeld…), même si l’ADN premier de ComediHa! demeure le contenu francophone. Et a généré quelques moments mémorables en salle, comme la copieuse huée qui attendait la bande de La soirée est (encore) jeune, en 2016, ou les retrouvailles des acteurs de Radio Enfer, l’an dernier.

S’il taquine gentiment son homologue du bout de l’autoroute 20, Sylvain Parent-Bédard n’a jamais souhaité entretenir la moindre concurrence malsaine avec Juste pour rire.

« Je fais ça par passion. Encore aujourd’hui, j’ai de la misère à naviguer dans ce monde de compétition. Je travaille pour le produit, pour les artisans. L’idée a toujours été de compléter, d’offrir aux citoyens de la capitale et de l’est du Québec un festival d’humour d’envergure. Quand tu pars de Saguenay, de Rimouski, de Gaspé et de la Beauce, se rendre à Montréal, c’est loin. On n’a jamais joué aux échecs, Juste pour rire et nous », soutient celui dont l’empire ComediHa! gère aussi des carrières et produit des spectacles (dont le one man show à venir de Michel Charette) et des séries télé (À propos d’Antoine, La confrérie).

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