Près de 10 ans après avoir fait ses premiers pas en humour, Emmanuel Bilodeau y consacre l’essentiel de ses énergies. Son deuxième one-man-show, Dans le pétrin, qu’il promène dans la province depuis un an et demi, s’arrête à Montréal ce vendredi.

Peu de temps avant d’animer son premier gala Juste pour rire, à l’été 2013, Emmanuel Bilodeau nous avait confié, inquiet, ne pas encore faire « partie de la gang » des humoristes. « Je me lance en ne sachant pas vraiment si je serai un jour humoriste. »

Cette déclaration fait aujourd’hui sourire le comédien. « Je ne me pose plus cette question, nous dit-il en rigolant. Je suis peut-être moins complexé, mais je n’ai pas envie d’appartenir à une gang. En ce moment, je peux dire que je suis humoriste, je fais une tournée d’humour ; samedi dernier, j’étais à Beloeil, je voulais faire rire les gens, pis ils ont ri ! »

De toute façon, « les gens catégorisent moins », croit Emmanuel Bilodeau, qui a aussi hâte de rejouer au théâtre ou au cinéma, même s’il est moins sollicité en ce moment. Comme lui, plusieurs comédiens ont d’ailleurs « sauté la clôture ». Qu’on pense à Anne-Élisabeth Bossé, Christian Bégin, Fabien Cloutier ou encore Marc Messier.

Il y a un décloisonnement de la scène, et c’est très bien. Quand les gens sentent qu’ils ont un potentiel d’être drôles, ils se lancent. Mais c’est beaucoup de travail et ça prend du guts. J’admire ça. Quand on monte sur scène, on va à la guerre, on livre son matériel, il y a un risque et un vertige qui vient avec. On est déstabilisé. J’aime ça.

Emmanuel Bilodeau

Son deuxième one-man-show, Dans le pétrin, aborde une foule de sujets, mais l’un d’eux, celui qui l’a véritablement mis dans le pétrin, a été la naissance de sa « petite dernière ».

Un beau pétrin, insiste-t-il, mais un pétrin tout de même. Car la naissance de la petite Bilodeau, quatrième de la fratrie, âgée de quatre ans et demi, n’était pas prévue. « J’ai 58 ans, donc ce n’est pas facile, admet-il. Pour les jeunes couples, c’est difficile, imagine pour les vieux ! », lance celui qui a aussi une fille de 26 ans d’une première union.

Emmanuel Bilodeau était le gardien de l’application qui gérait l’ovulation de sa blonde – Édith Cochrane – et il a foiré. C’est lui qui le dit. « On a hésité à garder le bébé, mais avec Édith, on a deux gars, et j’avais envie d’avoir une petite Édith, je ne savais pas dans quoi je m’embarquais… Elle a du caractère, ma blonde, mais ma fille, c’est le général des armées. Elle est intense, mais merveilleuse. »

D’autres pétrins

On connaît l’intérêt d’Emmanuel Bilodeau pour les questions environnementales, le comédien en parle aussi dans son spectacle. « La planète est dans pétrin, donc j’aborde la question, dit-il, mais c’est difficile d’en parler sans être lourd, ça m’angoisse, comme la guerre en Ukraine d’ailleurs. Je parle de mes dialogues avec Greta [Thunberg], parce qu’on a une affiche d’elle dans la maison. Et je parle de ma culpabilité d’avoir des enfants, et de tout ce qu’on achète pour eux… Il y a beaucoup d’autocritique. »

Il parle de son obsession pour la nourriture saine, de la pénurie de pots Mason, il pousse même la note en chantant des pièces d’Anne Sylvestre et de Paul Piché. « Chanter me remplit de joie », dit-il. Tout cela, il le fait dans le but d’être « le plus vrai » possible.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Emmanuel Bilodeau

Je veux que les gens aient une vraie idée de l’être humain qui leur a parlé. De mes qualités, mes défauts, mon regard critique, mes ambitions.

Emmanuel Bilodeau

En ce sens, Bilodeau admire les humoristes et conteurs Boucar Diouf et Fred Pellerin, des personnes « à qui on s’attache, mais qui n’ont pas l’obsession de faire rire les gens ».

Justement, jusqu’où est-il prêt à aller pour faire rire ? Aborde-t-il des sujets tabous ? « Je ris de moi et de mes préoccupations, répond Emmanuel Bilodeau. Je n’ai pas envie de provoquer de controverses. Je crois qu’on a le droit de rire de tout, avec intelligence, mais je comprends certaines sensibilités. Pourquoi je ferais des blagues sur les féminicides ? C’est pas drôle. Si j’avais des origines juives, je serais content de faire des blagues sur moi, mes défauts, mais ce n’est pas à moi de le faire, ça risque d’être mal perçu, de faire de la peine et de la chicane, et je n’ai pas le goût de provoquer ça… »

C’est de l’autocensure, alors ? « Sûrement. Mais je suis content de m’autocensurer, parce que je ne veux pas faire de la peine. L’humour est une arme à deux tranchants très puissante, donc il faut faire attention de qui on rit, parce que ça peut être très blessant. Mike Ward a blessé le jeune [Jérémy] Gabriel, qu’il soit connu ou pas, je ne voudrais pas faire ça. Il faut être délicat avec l’humour, d’un point de vue humain, la vie est déjà tellement dure. »

Contrairement à son premier one-man-show, One-Manu-Show, produit par Productions J, Emmanuel Bilodeau a choisi de produire Dans le pétrin lui-même. « Je pars avec une voiture électrique et mon décor qui rentre dedans un peu tout croche, je travaille avec les techniciens locaux, c’est une tournée carboneutre, explique-t-il. Je suis content de vivre un trip en solitaire, avec une machine miniature, je me mets la pression que je veux, c’est-à-dire aucune. Que je joue dans des salles de 50 ou 400 personnes, mon plaisir est renouvelé, et j’aime ça, même quand ça ne me tente pas. »

Dans le pétrin, au Théâtre Outremont de Montréal, le 7 octobre, puis en tournée jusqu’en 2023.

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