(Hallandale, Floride) Alors que Guy Nantel était dans un congrès du Comité national des jeunes du Parti québécois (CNJPQ) samedi dernier, il était deux jours plus tard en Floride pour le premier de trois spectacles au Club Tropical d’Hallandale. La Presse a assisté à la représentation de mardi.

La religion. Les immigrants. La laïcité. La souveraineté. Tous des thèmes qu’il faut aborder en tournant la langue sept fois dans sa bouche avant de parler quand on est politicien.

À le voir présenter son spectacle Nos droits et libertés au Club Tropical d’Hallandale, mardi, en Floride, difficile de croire que Guy Nantel a fait le saut en politique comme candidat à la chefferie du Parti québécois.

Bien que Guy Nantel défende haut et fort dans son dernier spectacle le droit « de pouvoir faire des jokes » et de créer des malaises, nous sommes épatée de voir que le public rit de ses blagues de « cuisses qui se frottent », de Québécois « pas de colonne » avec leurs valeurs et de « femmes déguisées en girafe ». Si jamais il devait y avoir un référendum sur la souveraineté du Québec, « vous ne serez plus là ! » lance-t-il à la foule assez âgée.

S’il y avait quelques visages coincés dans la salle du Club Tropical, l’ironie de Guy Nantel – et son personnage de scène – passait très bien.

« Il n’est pas méchant, nous a dit à l’entracte Denise Dumont, notre voisine de la table H, qui est venue au spectacle avec plusieurs résidants de sa communauté d’Hawaiian Gardens, située à Lauderdale Lakes. Son humour est intelligent. »

À l’inverse, l’habituée du Club Tropical n’a pas du tout apprécié l’humour de Peter MacLeod, qui se produisait au Club Tropical en janvier dernier. « Il est insultant et vulgaire envers les femmes. »

« Indépendant »

« J’ai pris une Corona », lance Raymond Lemelin en nous faisant à la blague un coup de coude, la nouvelle formule de politesse de mise à l’ère du coronavirus. 

L’homme d’East Angus a offert en cadeau à sa conjointe des billets pour le spectacle de Guy Nantel au Club Tropical. Quelques jours plus tard, l’humoriste confirmait la rumeur de son saut en politique. « On se demandait si le show allait avoir lieu pareil. »

Quand Guy Nantel a annoncé le 13 février dernier qu’il devenait le quatrième candidat à la direction du Parti québécois (PQ), il a promis de donner les spectacles qu’il restait à sa tournée.

Guy Nantel savoure-t-il ses derniers instants de liberté comme humoriste avant de tenter sa chance comme politicien ?

Tu serais étonnée de la liberté que je prends en politique. Je reste moi-même et je dis ce que j’ai à dire depuis le tout début. Au pire, je frapperai un mur.

Guy Nantel

Guy Nantel a déjà une « grosse équipe » et une « grosse machine » derrière lui, pilotée notamment par le militant péquiste Christian Généreux.

Le candidat annoncera sa plateforme électorale le mercredi 18 mars, à l’occasion du lancement officiel de sa campagne. En attendant, il a demandé mardi dernier sur les réseaux sociaux de « l’aide » pour recueillir les 2000 signatures de membres du PQ requises pour devenir officiellement candidat à la chefferie en avril.

Les gens ont peut-être besoin de quelqu’un qui n’a pas « fait ses classes » de façon traditionnelle, souligne-t-il.

Que ce soit en humour (où il travaille seul) ou quand il a remporté la Course destination monde en 1994, Guy Nantel a toujours été un « outsider ». « Un indépendant », dit-il.

« Je fais ce que j’ai à faire, dit-il. De manière libre et détachée. »

« J’ai eu plein d’offres comme réalisateur après avoir gagné la Course destination monde, mais c’est de l’humour que je voulais faire, souligne l’homme de 51 ans. La vie me présente des affaires et j’embarque. »

« J’adore ça »

Quoi qu’il en soit, Guy Nantel multipliait déjà les poignées de main mardi au Club Tropical. Des gens faisaient la file pour se faire prendre en photo avec lui après son spectacle et lui faire savoir leur allégeance politique.

« Ici, le DGEQ [Directeur général des élections du Québec] n’a pas de contrôle », a-t-il lancé à la blague à un homme entre deux photos.

Somme toute, n’est-ce pas une période étrange pour Guy Nantel ? Pendant laquelle il porte deux chapeaux : celui de l’humoriste et celui du politicien ?

« J’adore ça », lance-t-il. Comme humoriste, « je suis comme un poisson dans l’eau ». Comme politicien, « je suis en apprentissage accéléré ». « Je parle à des constitutionnalistes, des avocats… je fais une maîtrise en deux mois. 

« L’objectif de la politique, c’est de rassembler les humains, de travailler pour le bien-être de tout le monde, de rendre les gens heureux, d’améliorer leur sort… 

« Si mon humour peut choquer, il a le même objectif. »

L’agence Timing

Guy Nantel est l’un des nombreux artistes québécois à se produire au Club Tropical, l’hiver. La salle – de type « ballroom » – comprend 268 places. Elle appartient au Québécois Jean Forand, qui a fondé l’Agence Timing. Cet hiver, Isabelle Boulay, Gregory Charles, Guylaine Tanguay, Laurence Jalbert, Jean-Pierre Ferland, Anthony Kavanagh ainsi que Brigitte Boisjoli avec David Thibault sont à l’affiche. « Marc Hervieux va faire son 39e soir chez nous », souligne avec fierté Jean Forand. 

Un souper précède les spectacles dans un cadre convivial. Après les spectacles, les artistes restent dans la salle pour jaser et se faire prendre en photo avec les spectateurs.

« C’est assez exceptionnel. Isabelle Boulay fait l’Olympia de Paris et elle rencontre les gens après son spectacle chez nous. Les gens aiment cette intimité », souligne Jean Forand.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE JEAN FORAND

Jean Forand (propriétaire de l’Agence Timing) 
et Guy Nantel au Club Tropical, en Floride

Cet hiver, l’Agence Timing produit 32 spectacles qui attireront entre 8000 et 10 000 spectateurs au total.

Jean Forand, qui a déjà géré la carrière du chanteur Gino Quilico, a ouvert le Club Tropical il y a 14 ans. Ses amis Michel Barrette et François Léveillée l’ont aidé « à tester le marché ».

Depuis, le Club Tropical est devenu le lieu de rencontre de beaucoup de snowbirds. Nicole Blackburn est une habituée du Club Tropical depuis plusieurs années. « Mon conjoint est décédé en juillet dernier et je suis venue ce soir avec des amies d’Hawaiian Gardens. Ça me fait du bien d’être ici. J’ai un réseau. »