Bébé abandonné au pied d’une chute une nuit de pleine lune, ambiance étrange à mi-chemin entre Midsommar et l’Ordre du Temple solaire, gourou magnétique qui porte des vêtements beiges de type 3 fois par jour, trois rescapées d’une secte qui trimballent de lourds secrets, aussi pesants que leurs traumatismes d’enfance, demandez-moi si je vais suivre Sorcières, le nouveau téléroman de TVA qui remplace L’échappée les lundis à 20 h ?

Réponse : oui, absolument.

Les deux premiers épisodes, touffus et mystérieux, s’annoncent juste assez glauques pour nous captiver sans nous assommer de détails trop macabres.

Et pour propulser cette série mystico-dramatique devant son concurrent 5e Rang de Radio-Canada, TVA a concocté un programme double de Sorcières lundi, Alertes ne reprenant l’antenne que le 18 septembre à 21 h. Excellente stratégie. Car la première heure de Sorcières se conclut sur un gros punch qui provoque l’envie irrésistible d’entamer la suivante.

Dans la généalogie télévisuelle québécoise, Sorcières serait la cousine plus raffinée, éduquée et subtile du soap-thriller L’échappée, qui a ausculté l’univers fascinant des sectes avec le psychopathe Jean-Simon Cardinal (Steve Gagnon) et la pauvre Jade Francœur (Charlotte Aubin) ainsi que leurs célèbres explorations systémiques assistées (ESA, pour les intimes).

Les trois sorcières du titre de l’émission renvoient à trois demi-sœurs – nées du même père, mais de mères différentes – qui ont grandi dans une commune bizarre à Sainte-Piété, un village ouvrier des Cantons-de-l’Est collé sur la frontière du Vermont.

PHOTO ÉVA-MAUDE TC

Scène de Sorcières

L’aînée s’appelle Joanne « Joe » Bussières (Céline Bonnier) et a consacré sa vie au journalisme et à l’écriture de livres. La cadette, Élisabeth « Beth » Lussier (Marie-Joanne Boucher), élève deux préados en banlieue avec un conjoint absent et manipulateur, soit le chirurgien plastique Philippe (Patrick Drolet). Quant à la benjamine, la coach de vie Agnès Sullivan (Noémie O’Farrell), elle exploite un centre de bien-être qui lui rapporte une petite fortune.

Nos trois héroïnes, qui ont quitté le village industriel de Sainte-Piété, ne se fréquentent plus depuis 30 ans. Elles reconnectent quand la police de Sainte-Piété reçoit un appel anonyme (et super déconcertant) à propos d’un poupon nu qui a été déposé, un soir de pleine lune, au pied des chutes de leur ancien patelin. Les trois demi-sœurs savent que ce bébé roux, qui défraie la chronique partout au Québec, les relie à leur ancienne vie dans la commune fondée par leur père. Mais comment ?

Les pénibles souvenirs que ces trois femmes ont enterrés loin dans leur tête remontent, malgré elles, à la surface. Au deuxième épisode, la journaliste Joe Bussières (Céline Bonnier, toujours juste) rentre de Chine et débarque à Sainte-Piété pour revisiter les bâtiments abandonnés de la commune où elle a grandi.

PHOTO FOURNIE PAR TVA

Céline Bonnier dans Sorcières

Cette saucette impromptue débouche sur d’intenses « flashbacks » qui nous ramènent à l’époque où leur papa gourou exerçait une influence malsaine sur ses sujets, surtout des femmes, qui portaient des couronnes tressées et du linge vaporeux.

À Sainte-Piété, le spectre du leader spirituel pervers plane encore, malgré sa mort nébuleuse survenue il y a plusieurs années. La mairesse du village, Véronique Roy (Julie Roussel, alias Gladys dans 5e Rang), déteste la journaliste et auteure Joe Bussières pour une raison qui demeure obscure.

L’enquête sur le bébé abandonné a été confiée au lieutenant Mario Bastarache (Denis Marchand), un expatrié de Montréal qui connaît peu la région, contrairement à son acolyte policier Nicolas Roy (Christophe Payeur), le cousin de la mairesse.

PHOTO FOURNIE PAR TVA

Christophe Payeur et Denis Marchand de Sorcières

Après deux épisodes, on ne sait pas encore si la secte dépeinte dans Sorcières s’apparente à celle de Raël, de Moïse Thériault ou de Luc Jouret et Jo Di Mambro de l’Ordre du Temple solaire. Chose certaine, les scénaristes Germain Larochelle et Marie-Josée Ouellet, avec la complicité des trois actrices principales, disposent d’une matière riche à touiller dans les prochains mois.

On peut parler ici d’obsession incontrôlable, car j’ai englouti à peu près toutes les docuséries consacrées à de dangereux mouvements d’illuminés : Wild Wild Country, Keep Sweet : Prie et tais-toi, tous les trucs sur le groupe NXIVM dont The Vow, L’Ordre du Temple solaire sur la plateforme Vrai, la minisérie Apocalypse à Waco sur Netflix, Les femmes de Raël à Radio-Canada, c’est vu, coché, adoré.

Perso, j’aurais pris davantage de scènes troublantes nous ramenant à l’intérieur de la secte de Sorcières.

Pour l’instant, le téléroman de TVA ne s’y aventure qu’à coups de retours (très brefs) dans le passé, alors qu’il s’agit du cœur de l’histoire, de ce qui nous accroche le plus solidement.

Probablement que les auteurs ne désirent pas brûler toutes leurs cartouches, ça se comprend. Reste que le quotidien d’une secte, sa hiérarchie, son fonctionnement, ses rituels farfelus ou ses techniques d’endoctrinement, ça donne toujours de la télé attrayante.

Nous avons eu aperçu de la vie en commune grâce au maître à penser JJ de Survivor Québec, certes, mais on veut voir la genèse et la montée de ces chefs spirituels complètement sautés comme Jim Jones du Temple du Peuple ou David Koresh des Davidiens.