Le 27 septembre dernier, lors de la remise des prix de la Fondation de la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ), Diane Juster a fait une annonce qui est malheureusement passée sous le radar, mais qui vaut hautement la peine d’être soulignée.

La Fondation de la SPACQ s’installera dans les locaux du cinéma Impérial afin de canaliser ses actions et devenir un port d’attache pour les créateurs de musique et de chansons.

Grâce à un partenariat avec Québecor, « locataire prioritaire » de ce bâtiment historique, l’organisme jouira d’un espace de 4000 pieds carrés pour y tenir des classes de maître, des ateliers de formation, des expositions et des spectacles à petit ou grand déploiement.

Bref, un lieu de création, de formation et de diffusion voué à la chanson verra bientôt le jour en plein cœur du Quartier des spectacles.

J’ai rencontré Diane Juster, cofondatrice de la SPACQ, et la productrice Denise Robert mardi à ce sujet. Les deux femmes, connues pour leur faculté à déplacer des montagnes, travaillent très fort à ce projet depuis plusieurs mois.

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Diane Juster, cofondatrice de la SPACQ

Elles sont très heureuses de franchir enfin cette étape grâce à l’appui de Pierre Karl Péladeau et de Manon Blanchette, vice-présidente responsable du développement du cinéma Impérial. « Ça fait deux ans que nous sommes là-dessus, m’a dit Diane Juster. Nous arrivons avec un projet solide. Il était temps. Les créateurs ont besoin d’un lieu comme celui-là. »

Quelques secondes plus tard, elle me disait comment elle imaginait l’endroit : vaste, aéré, convivial, modulaire.

Dans les locaux qui ont abrité pendant des décennies les bureaux du Festival des films du monde, on retrouve une salle d’une quarantaine de places qui servait aux projections privées. Les instigatrices entendent rénover et exploiter ce petit théâtre.

L’idée de jumeler ce nouveau « centre de la chanson » au cinéma Impérial n’est pas anodine. Ce splendide théâtre, construit en 1913 et classé immeuble patrimonial depuis 2012, subira d’importantes rénovations au cours des prochains mois. Le ministère de la Culture a récemment annoncé une enveloppe de 4 millions de dollars pour optimiser les lieux. On attend maintenant de voir ce que feront la Ville de Montréal et le gouvernement fédéral.

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Denise Robert, productrice chez Cinémaginaire

La Fondation de la SPACQ, qui y tient déjà depuis de nombreuses années sa remise de prix annuelle, entend contribuer à faire vibrer cette salle, l’une des plus belles de la métropole. « C’est un magnifique théâtre qui va pouvoir accueillir de nombreux artistes, dit Denise Robert. Il va devenir un élément important du Quartier des spectacles. Pour nous, c’était un choix tout indiqué. »

Quand on plonge dans les détails de ce projet, il nous vient immédiatement à l’esprit celui que mène en parallèle Monique Giroux, soit celui de la Maison de la chanson et de la musique du Québec qui doit s’installer dans l’édifice Saint-Sulpice. Ne sommes-nous pas en face d’un doublon comme on a déjà vu dans d’autres domaines à Montréal (festival de cinéma, festival d’humour, festival de la Fierté, etc.) ?

« Pas du tout, m’a assuré Diane Juster. C’est le mandat de la SPACQ et de la Fondation de la SPACQ de défendre les droits des auteurs et compositeurs, de les aider à avancer et de les faire rayonner. Ce projet va dans ce sens. » De son côté, Denise Robert précise que le projet de la Fondation de la SPACQ sera « complémentaire » à celui de Monique Giroux.

La Maison de la chanson de Saint-Sulpice sera certes un lieu pour la mémoire de la chanson, mais on entend également créer des activités connexes. Monique Giroux croit elle aussi que les deux entités seront complémentaires. Selon cette passionnée de la chanson, le projet de la Fondation de la SPACQ mettra l’accent sur les créateurs, alors que celui de la Maison de la chanson visera le grand public.

On verra bien comment ces deux centres cohabiteront. Pour l’heure, l’équipe de la Fondation de la SPACQ plonge la tête première dans une vaste opération de financement. Selon le document de présentation que j’ai obtenu, 2024 devrait marquer la fin de l’aménagement des lieux et le lancement des activités et des programmes.

Longtemps considérée comme l’enfant pauvre du monde des arts, notre chanson sera bichonnée comme jamais elle ne l’a été. Il est à souhaiter que l’énorme travail qui est à faire pour protéger cette industrie contre les géants du numérique se conjugue à ces chantiers.

Car comme a si bien dit un jour Jacques Dutronc : « Le plus dur dans la chanson, c’est arriver à se faire payer. »