J’ai vu les premiers épisodes d’Indéfendable. J’ai vu les premiers épisodes de STAT. Verdict, diagnostic ? Dans cette guerre épique des séries quotidiennes de 19 h, qui débute lundi soir, ni TVA ni Radio-Canada ne perd son procès ou n’abandonne son patient.

Voici deux séries bien rythmées et punchées, qui provoquent chacune de fortes décharges d’adrénaline. C’est clair que je vais suivre les deux. Pas le choix, votre honneur. Car pour le moment, il n’y a pas de titre qui en écrase un autre.

Je dirais, par contre, que les quatre premiers épisodes d’Indéfendable explosent comme de la dynamite à l’écran. Le montage est super saccadé, efficace, et l’intrigue déboule à fond de train.

Dans les 22 minutes du premier épisode d’Indéfendable, il y a une violation de domicile, un viol d’adolescente, un mort par arme à feu, des frères jumeaux complètement timbrés, un policier accusé de rage au volant et un psychiatre très louche, sans compter la présentation de tous les employés du cabinet d’avocats Lapointe-MacDonald au cœur de la série, de même que leurs vis-à-vis du palais de justice. Gros tour de force de l’équipe des scénaristes – ils sont huit — et aucun faux pas dans ce complexe ballet télévisuel.

Et ça paraît que TVA a, pendant des mois, poli ces quatre demi-heures comme une pierre précieuse. Les tournages, presque tous en extérieur, ont été effectués en février, dans la grosse neige et le froid sibérien. C’est d’ailleurs mêlant de voir le personnage de Sébastien Delorme, le criminaliste Léo MacDonald, sortir de son auto devant un édifice industriel en plein hiver, au beau milieu de nulle part.

On se croirait dans le stationnement du poste de police de (feu) District 31. Même manteau noir et long, même prise de vue des voitures, mêmes images aériennes de Montréal, c’est bluffant.

Le défi de l’équipe d’Indéfendable sera de maintenir cette cadence pas reposante.

Comme dans District 31, Indéfendable glisse des petits dossiers dans des plus gros, qui s’étalent sur plus d’une semaine. L’histoire tricotée autour du psychiatre Martin Charbonneau (Christian Bégin) nous accroche et nous abandonne sur une grosse surprise dans l’épisode du jeudi, un classique à la District 31 pour mousser les spéculations pendant le week-end.

STAT dispose cependant de l’arme la plus puissante pour aller à la guerre, soit l’actrice Suzanne Clément, meilleure que son rival Sébastien Delorme. Elle brille dans les « scrubs » d’Emmanuelle St-Cyr, une urgentologue dévouée et investie, limite enquêteuse de police, qui carbure à l’adrénaline. Aussi, pour immerger profondément les téléspectateurs dans cet univers hospitalier, les quatre premiers épisodes de STAT dureront une heure chacun, une idée proposée par Luc Dionne, a révélé la productrice Fabienne Larouche. C’est pour vous montrer à quel point TVA et Radio-Canada misent gros sur leurs poulains de 19 h.

STAT s’ouvre aussi avec un gros drame, soit la mort foudroyante du conjoint de la Dre Emmanuelle St-Cyr, qui vivra très mal son deuil. En termes de récit, STAT s’approche davantage de Grey’s Anatomy que de District 31. Contrairement à Luc Dionne qui se concentrait sur les affaires de police, l’auteure Marie-Andrée Labbé met de l’avant la vie personnelle des employés de l’hôpital Saint-Vincent de Montréal, qui s’organisent régulièrement des soupers bien arrosés.

Outre la Dre St-Cyr, le noyau d’amis-collègues réunit le psychiatre Philippe Dupéré (Patrick Labbé), la chirurgienne Isabelle Granger (Geneviève Schmidt) et le préposé aux bénéficiaires Éric Perron (Stéphane Rousseau). Vous vous en doutez, il y a de la romance hospitalière et des cas médicaux spéciaux, disons. Les premiers épisodes contiennent une patiente psychotique qui entend des voix à l’interphone, des agités sur l’Ativan, des ados qui tirent du fusil en plein jour et une agression d’infirmière en « temps supplémentaire obligatoire », le fameux TSO.

Indéfendable se colle plus à la formule à rebondissements de District 31. Les avocats de la défense, campés par Anne-Élisabeth Bossé, Nour Belkhiria et Michel Laperrière, mènent des enquêtes en parallèle, qui propulsent l’action dans des directions inattendues. J’adore la procureure de la Couronne, MSonia Cadet, jouée par Marilyse Bourke, qui en découd régulièrement avec son éternel rival Léo MacDonald (Sébastien Delorme), un criminaliste confiant et droit. Bien sûr, toute série d’avocats arrive avec une pomme pourrie, MFrédéric Legrand (Martin David Peters), qui fricote avec les mauvaises personnes et qui a un caractère de merde, n’ayons pas peur des mots. Dans l’émission concurrente, Isabelle Blais hérite du rôle de la vilaine directrice d’hôpital.

STAT regorge de personnages secondaires bien définis, dont le fougueux urgentologue Jacob Faubert (Lou-Pascal Tremblay), l’infirmière dévouée Sophia St-Jean (Ludivine Reding), la physiothérapeute commère (Pascale Renaud-Hébert), le rigide directeur des services professionnels Pascal St-Cyr (Normand D’Amour) et la travailleuse sociale en déséquilibre (Virginie Ranger-Beauregard).

Alors qu’Indéfendable fonce dans les sujets lourds, STAT parsème davantage ses scènes de bulles plus légères, qui détendent l’atmosphère.

Ce parfait équilibre entre la badinerie et le drame intense a poussé District 31 au sommet. Pour l’instant, et avec son look plus sombre, Indéfendable parie davantage sur l’électrochoc, tandis que STAT, à la facture plus lumineuse, se dirige vers une exploration poussée des failles psychologiques de ses personnages principaux.

Et qui posera sur sa tête la précieuse couronne dorée de District 31 ? Difficile à prédire. L’habitude d’écoute d’une quotidienne à 19 h existe depuis 30 ans à Radio-Canada. De son côté, Québecor a investi beaucoup d’argent dans la promotion croisée d’Indéfendable, qui a même eu droit à une manchette au TVA Nouvelles de 22 h de Pierre-Olivier Zappa.

Assurément, il y aura de la curiosité et du zapping dans les premières semaines. Puis, les téléspectateurs, par manque de temps ou d’intérêt, opteront pour les médecins, les avocats ou suivront les deux, pourquoi pas, vive les enregistreurs et le rattrapage !

Pour les curieux, STAT signifie « immédiatement, tout de suite » en langage médical. Du genre : intubez-la STAT ! Injectez-lui un calmant STAT ! Empêchez ce chroniqueur d’écrire des analogies juridico-hospitalières douteuses STAT !

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