Les téléphages qui ont enfourné le quatrième chapitre de Stranger Things ce week-end sont actuellement incapables de s’extraire une (excellente) chanson du coco.

Un envoûtant morceau de 1985 si judicieusement employé au quatrième épisode – mais qui résonne aussi dans le walkman de Max au premier épisode – qu’il a catapulté son interprète dans les sujets chauds de Twitter.

Il s’agit de Running Up That Hill (A Deal With God), de Kate Bush, une pièce extraite de l’album Hounds of Love. Depuis vendredi matin, les nostalgiques redécouvrent l’immense talent de cette auteure-compositrice-interprète britannique, et une nouvelle génération écoute compulsivement sur Spotify celle qui a été surnommée la « sorcière du son ».

Le mariage entre l’étrange Kate Bush et Stranger Things sur Netflix n’aurait pu être mieux célébré. D’abord, le texte de Running Up That Hill colle parfaitement à la réalité de l’adolescente Max (Sadie Sink), qui se sent coupable de la mort de son grand frère Billy et qui dresse une barrière émotive entre ses amis et elle.

Ensuite, la scène angoissante où Max court pour se sauver des mains griffues du démon Vecna se synchronise parfaitement avec le rythme percussif de Running Up That Hill. Cette séquence illustre avec brio comment une chanson choisie avec soin magnifie un scénario et élève l’œuvre à des niveaux rarement atteints. C’est superbe.

Attendue depuis trois ans – c’est looong longtemps –, cette quatrième saison de Stranger Things, plus violente et plus gore que les précédentes, arrive en format jumbo : tous les épisodes durent entre 1 h et 1 h 40.

Et les fans, comme moi, se régaleront dans ce buffet garni de culture pop. Le virage plus mature de Stranger Things nous sort des Goonies et d’Indiana Jones pour nous catapulter dans des univers d’horreur comme ceux de Carrie, The Exorcist, Hellraiser et A Nightmare on Elm Street (quel classique !), qui ont visiblement inspiré les créateurs de Stranger Things, les jumeaux Matt et Ross Duffer. Adieu John Hughes, allô Wes Craven.

PHOTO FOURNIE PAR NETFLIX

Stranger Things 4

Robert Englund, qui a longtemps enfilé les griffes acérées et le chandail rayé du meurtrier Freddy Krueger dans A Nightmare on Elm Street, apparaît même dans le quatrième épisode sous les traits de Victor Creel, le prisonnier aux yeux crevés. J’a-do-re.

Stranger Things a vieilli, comme ses interprètes d’ailleurs, et ses références ne s’adressent plus à des préados. C’est devenu une frissonnante série d’épouvante à la It, où le nouveau méchant Vecna ressemble au terrifiant Night King dans Game of Thrones.

Le premier épisode de Stranger Things 4 recadre bien l’histoire, qui reprend six mois après la bataille épique du centre commercial. Eleven, Will, Joyce et Jonathan vivent à Lenora Hills, en Californie. À Hawkins, en Indiana, le reste de la bande mène sa vie d’ado dite normale, entre un match de basketball, une séance chez le psy et une partie de Donjons et Dragons.

Évidemment, le ciel s’obscurcit, et le sang recommence à couler au printemps de 1986. Un démon vise des ados tourmentés, infiltre leur esprit, les place en transe et les écrabouille de façon atroce. Os cassés, membres tordus et yeux coulants, les images saisissent. Le massacre du premier épisode, un retour effrayant dans le passé d’Eleven, confirme que Stranger Things 4 ne parle plus du tout aux gamins.

Quand la créature des ténèbres ensorcèle Max, uh-oh, la bande se réunit pour anéantir cette nouvelle bibitte gluante sortie du Monde à l’envers. Et manque de bol, Eleven a perdu tous ses pouvoirs surnaturels, qu’elle s’acharnera à récupérer.

Le « vieux » Steve, qui a troqué la crèmerie contre le club vidéo, et le jeune Dustin forment toujours le couple comique de l’émission. Ils sont formidables. La verbomotrice Robin se rapproche de la journaliste junior Nancy, et elles s’enrôlent dans une mission digne d’American Horror Story – Asylum et de Clarice Starling dans Le silence des agneaux.

Le bout le moins intéressant concerne la maman Joyce (Winona Ryder), toujours à la recherche de son shérif Hopper, prisonnier dans un goulag en Russie. Trop long, trop déconnecté de la trame principale.

La sortie des sept premiers épisodes de Stranger Things (les deux derniers arriveront le 1er juillet et dureront près de quatre heures, au total) marque le début de la saison estivale des superproductions, comme Top Gun : Maverick l’a fait au cinéma. C’est du captivant divertissement à gros budget.

La quantité de pépites du passé que déterre Stranger Things impressionne encore, sans trop faire gadget : le beurre d’arachide Jif, les jeans Levi’s, le jeu de Nintendo Paperboy, les t-shirts Ocean Pacific, la Magic 8 Ball, les canettes de Coca-Cola classique, le poster de Tom Cruise, de même que les films Fast Times at Ridgemont High, Halloween et Star Wars – on peut passer des heures à décortiquer les clins d’œil que décoche la série.

Il y a également la délicieuse bande sonore, remplie de trésors oubliés des années 1980, dont Rock Me Amadeus, de Falco, Tarzan Boy, de Baltimora, Pass the Dutchie, de Musical Youth, ou Detroit Rock City, de Kiss.

Les enfants de Stranger Things ont bien grandi. Leurs fans aussi. Il était temps de ranger les Ghostbusters pour passer à L’opéra de la terreur.