Il ne reste que quatre épisodes de la série phénomène District 31 avant le grand démantèlement du poste de police le plus animé de la télé québécoise. J’ai vu les 716 demi-heures du feuilleton de Luc Dionne et je comprends parfaitement votre état d’esprit : District 31, c’est à la fois une religion, une récompense et une drogue dont le sevrage nécessitera plusieurs réajustements de doses.

Mais pourquoi les tribulations d’une poignée d’enquêteurs du SPGM nous ont autant passionnés pendant six ans ? Telle une Mélissa Corbeil (Brigitte Paquette) supradéterminée, j’ouvre une enquête pour tenter d’expliquer les raisons de cet engouement monstre. Da-Xia Bernard (Cynthia Wu-Maheux) serait fière de cette recherche exhaustive (et légale), qui n’a pas nécessité de triangulation des tours cellulaires.

La taquinerie sympathique

Entre deux enquêtes lourdes sur le juge Pelland et l’homme brûlé, Luc Dionne a injecté de jolies doses de légèreté dans son feuilleton. Les sergents-détectives se jouaient des tours, se donnaient du « mon chum » à tour de bras et se rebaptisaient Jean Brioche, Mélanie Charogne ou le commandant Chausson. Ces traits d’humour des personnages, jumelés à leur routine de bureau, nous donnaient l’impression de vraiment les connaître – et de compatir avec leurs problèmes d’imprimante ou de sèche-mains, maudite patente à gosse !

Les personnages secondaires forts

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le personnage de Geneviève Schmidt, Nancy Riopelle, a beau être un personnage secondaire, on s’en souvient.

En plus de son noyau dur d’enquêteurs doués, l’auteur a inventé des personnages secondaires extrêmement payants. Il n’y a qu’à penser à la détraquée Nancy Riopelle (Geneviève Schmidt), alias la Riopelle, qui nous a traumatisés avec ses cigarettes bon marché et son café instantané. Il y a aussi eu la prostituée au verbe fleuri Virginie Francœur (Catherine-Audrey Lachapelle), de même que son acolyte Miss BBQ (Charlotte Legault), qui a également porté les noms de Nadia et Amélie Bérubé. Même la détestable Mélissa Corbeil a fini par devenir attachante, ce qui confirme la redoutable efficacité de la plume de Luc Dionne.

Le piège sournois

District 31 s’est refermé sur ses fans comme un piège tous les jeudis soirs. C’était impossible de s’en extraire. Car Luc Dionne gardait une longue enquête en toile de fond, qu’il entrecoupait de petits dossiers à fermer. Quand les flics solutionnaient un crime, majeur ou mineur, il en restait toujours un autre à résoudre. Et comme nous avions investi beaucoup d’heures dans la série, nous voulions évidemment connaître la suite. Luc Dionne nous a manipulés, avec notre consentement éclairé, et nous avons savouré chacune des minutes de notre captivité, contrairement à la pauvre Charlène Baribeau (Sophie Desmarais), enfermée dans le sous-sol de Yanick Dubeau (Patrice Godin).

La familiarité accrocheuse

Au fil de nos visionnements compulsifs, on a eu l’impression de faire partie de la gang du 31 et de parler son langage codé. Le DPCP, la caméra ici, et l’autre là, la rédaction des dénonciations, la salle d’interro, les « perquis », la lividité cadavérique, c’est pas mêlant, on a l’impression d’en connaître davantage sur le système judiciaire que la très intense procureure Sonia Blanchard (Pascale Montpetit). Cette preuve ne tiendra jamais devant un juge, voyons ! Allô, ça va vous prendre un mandat pour l’écoute électronique !

Les morts choquantes

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La lieutenante Nadine Legrand (Magalie Lépine-Blondeau) a été la première à partir de façon abrupte.

Luc Dionne, tel l’auteur barbu de Game of Thrones, ne nous a pas épargnés au chapitre mortuaire. Comme quoi, tuer des personnages principaux d’un téléroman sert aussi à relancer des intrigues. La lieutenante Nadine Legrand (Magalie Lépine-Blondeau) a été la première à partir de façon abrupte. Nous avons ensuite enterré le motard Christian Phaneuf (Emmanuel Auger), l’énigmatique Jeff Morin (Luc Picard), le psychopathe Yanick Dubeau (Patrice Godin), le serpent Laurent Cloutier (Patrick Labbé) et le bon gars Stéphane Pouliot (Sébastien Delorme), dont l’assassinat dans un entrepôt de kratom a secoué le Québec comme le tremblement de terre de novembre 1988.

Les revirements haletants

Noélie (Catherine St-Laurent) succombera-t-elle à l’attentat perpétré contre elle dans sa Honda ? Yanick Dubeau reviendra-t-il tourmenter ses anciens camarades ? Qui se cachait sous les cagoules des tueurs de Phaneuf dans le fourgon cellulaire ? Et quelqu’un va-t-il finir par retrouver les maudits diamants de François Labelle (Peter Miller) ? Luc Dionne a été le champion du suspense de fin d’épisode. Explosions, prises d’otages, exécutions, attentats, enlèvements et fusillades, District 31 a fait de nombreuses heures supplémentaires – comme Bruno, Patrick et Florence – pour nous divertir et nourrir les spéculations.

La réalité-fiction dans nos salons

Très souvent, les histoires tricotées par Luc Dionne ont rejoint la réalité des chroniques judiciaires. Les tensions entre le DPCP et le SPGM, les guerres internes au sein du corps policier montréalais ou l’affaire de Jonathan Bettez, qui se collait parfaitement à celle de Carl Juneau (Marc Bélanger), le responsable du meurtre du petit Théo Gagnon, le prolifique scénariste a été alimenté par ses nombreuses sources policières, toujours aussi bien branchées.

Le pilier Gildor Roy

PHOTO FOURNIE PAR AETIOS

Dans son rôle du commandant Chiasson, Gildor Roy était le ciment de District 31.

C’est lui, le ciment de District 31 : le bon commandant Daniel Chiasson. C’est le seul personnage principal qui n’aurait jamais pu disparaître de la série sans déclencher une émeute. C’est aussi celui qui ressemble le plus à Luc Dionne. Paternel sans être paternaliste, autant comique que colérique et ratoureux pour protéger ses troupes, Daniel Chiasson a été le cœur et la tête de District 31. Et Gildor Roy a su lui insuffler ce mélange parfait d’humanité, de dureté et de complexité. Le jumelage Gildor Roy-Luc Dionne a été l’un des plus réussis de la télévision québécoise. Pourrait-on sortir le téléphone magique une dernière fois du tiroir pour exiger que ces deux-là retravaillent ensemble bientôt ?

Faites notre quiz : que connaissez-vous de District 31 ?