Assis devant mon MacBook, je ne pouvais m’empêcher de me demander : est-ce que la suite de l’iconique série Sex and the City allait ternir la réputation – et la patine des escarpins – de ces copines new-yorkaises avec qui on brunche avec bonheur depuis 1998 ?

Aussi, est-ce que cette comédie dramatique fonctionnera aussi bien sans la relationniste tigresse Samantha Jones (Kim Cattrall), le personnage le plus flamboyant du quatuor ? Si vous êtes des fans de la franchise, du genre que le deuxième film de 2010 n’a pas envoyés en psychiatrie, vous allez adopter And Just Like That, dont les deux premiers épisodes en anglais sont disponibles sur Crave depuis jeudi.

C’est mon cas. Je n’ai pas boudé mon plaisir tout en suranalysant cette comédie maintenant plus dramatique que comique. Il s’agit d’ailleurs de la plus grande différence entre Sex and the City et And Just Like That : le changement de ton.

La suite, dépouillée de ses célèbres jeux de mots coquins, est moins subversive et moins drôle que les premières saisons. Je précise qu’un évènement terrible, qui survient à la fin du premier épisode, teinte de noir le reste de la série. Et ça frappe fort. C’est étonnant que ce gros punch n’ait pas fuité avant.

Comme ses héroïnes qui ont maintenant 55 ans, And Just Like That a gagné en maturité ce qu’elle a perdu en irrévérence, dans des épisodes qui passent de 25 à 40 minutes. L’accessoire le plus branché des trois mousquetaires de Manhattan ? Les lunettes de lecture. Miranda (Cynthia Nixon) porte ses cheveux gris, Charlotte (Kristin Davis) trouve que ça la vieillit et les vêtements griffés de Carrie (Sarah Jessica Parker) sont toujours aussi fabuleux.

À l’époque des cosmos et des cigarettes, les discussions de Carrie, Samantha, Miranda et Charlotte étaient aussi salées qu’avant-gardistes. Sex and the City a été une émission pionnière pour l’émancipation des femmes au petit écran. Vingt ans plus tard, les auteurs essaient trop fort de s’inscrire dans l’air du temps (pas celui de Nina Ricci) ainsi que de répondre aux critiques qui ont déploré le manque d’éveil de ses protagonistes blanches et privilégiées.

Maintenant, Carrie participe à une balado animée par une personne queer non binaire (Sara Ramirez), tandis que Miranda, qui retourne à l’université, s’enlise dans une conversation sur les stéréotypes avec sa professeure noire. Malaise, malaise. Seigneur, qui a écrit cette mauvaise scène qui fait passer Miranda pour une cruche insensible ?

Le premier épisode sent l’exercice de réhabilitation woke. Vous y entendrez des répliques sur l’utilisation des pronoms, le patriarcat, les femmes mariées cisgenres, le consentement, l’antiracisme et la « honte sexuelle ». Ça fait beaucoup et Samantha aurait détesté ce type de discours moralisateur.

Comme s’il fallait demander pardon pour les erreurs du passé et annoncer aux téléspectateurs de 2021 : vous voyez, on a compris, on connaît le contexte actuel, on n’est plus en 2004, merci de ne pas nous annuler. Mais où sont le fun et le piquant de la série d’origine ?

Heureusement, ça se tasse à la deuxième heure, plus sombre. Oui, j’ai l’air de râler plus que d’encenser. Car je sais pertinemment que ces éléments vont irriter les détracteurs de Sex and the City et je préviens les coups.

Car malgré la surcompensation, les maladresses (plus capable des références à la COVID-19) et les répliques moins cinglantes, on ressent un plaisir fou à renouer avec ces quinquagénaires soudées par une amitié indéfectible. Même absente, Samantha reste bien présente dans les conversations des filles et on sent que la porte demeure ouverte si l’actrice Kim Cattrall souhaite revenir pour une éventuelle deuxième saison. Officiellement, Samantha a déménagé à Londres après une « chicane professionnelle » avec Carrie.

Au début de la première saison d’And Just Like That, Carrie, Miranda et Charlotte vivent respectivement avec leurs conjoints Big (Chris Noth), Steve (David Eigenbert) et Harry (Evan Handler), les mêmes qu’il y a 11 ans. Signe que tout le monde vieillit, le propriétaire de bar Steve est presque sourd sans ses appareils auditifs. Et la seule personne qui a encore du sexe dans l’émission, énormément de sexe, c’est Brady, le fils de 17 ans de Miranda et Steve.

Miranda résume en une phrase à quoi ressemble And Just Like That : « On ne peut pas demeurer qui nous étions. » Prude, Carrie rougit quand elle parle de masturbation à la radio et Miranda multiplie les micro-agressions envers ses camarades d’école. C’est la nouvelle réalité.

Même les personnages les plus cool finissent par être dépassés avec le temps. Mais comme je les aime trop, je refuse de croire que les Carrie et compagnie ne s’amélioreront pas. Je veux y croire et je vais y croire jusqu’à ce que Miranda redevienne rousse, bon.