Un caméo de Daniel Bélanger en chauffeur de taxi, une performance de Lunou Zucchini, une anagramme résolue (Nietzsche-Scienthez) qui a identifié le terroriste, une redingote pailletée et une 93e reprise au ralenti des bombes qui explosent au Santorini, la finale de Chaos, mardi soir à TVA, a été moins chaotique que l’ensemble de cette saison extradramatique et truffée de clichés.

La résolution du mystère a été satisfaisante pour ceux qui ont persévéré dans l’écoute malgré les noms bizarres (Doc Chill, CarrousoRoma) et l’abus de musique appuyant très, très, très fort les moments déchirants (alcoolisme, suicide, fusillade, alouette !).

Avis aux retardataires qui n’ont pas encore fredonné le dernier succès d’INVO (oui, c’est ovni à l’envers) Amour, emporte-moi, sacrez votre tablette aux vidanges en hurlant ou jetez votre cellulaire contre le mur immédiatement. L’alerte au divulgâcheur clignote comme le détonateur qui a fait sauter le sac à dos de la pianiste Eugénie Normandeau (Lysandre Ménard).

Honnêtement, l’intrigue autour du sociopathe orphelin Thomas (Lévi Doré) a été habilement tricotée par l’équipe de Josélito Michaud. Au fil des 10 épisodes de Chaos, les fausses pistes ont d’abord pointé vers Charles (Henri Picard), le petit frère introverti d’INVO et la mule parfaite, ainsi qu’en direction de Christian (Daniel Thomas), l’impresario d’INVO sur le point de perdre sa popstar/machine à imprimer de l’argent.

Derrière son air angélique et son histoire familiale triste, Thomas a berné tout le monde, dont le peu perspicace sergent-détective Pierre Bisson (Pierre Lebeau). Même quand Thomas a cité Nietzsche sur son lit d’hôpital, personne n’a allumé, pas même Nostradumas. Comment le si gentil Thomas aurait-il pu orchestrer une attaque aussi violente et sanglante ? Bien joué, détective Louise Ventura (Mélanie Pilon), qui a eu le flair technologique nécessaire pour boucler l’enquête.

Chaos aurait pu être une bien meilleure télésérie si autant de détails importants n’avaient pas été négligés. Tenez, juste le nom donné à la détective Ventura, on dirait qu’il s’agit d’un gag d’Ace Ventura (Jim Carrey), le détective nigaud qui recherche des animaux perdus dans les films du même nom. Ça mine la crédibilité du projet.

Ça ne fonctionne pas non plus qu’INVO (Simon Morin) se produise quatre soirs devant 20 000 personnes à Berlin et qu’il termine sa tournée mondiale dans une boîte montréalaise à peine plus grande que le Club Soda. C’est au Centre Bell qu’INVO l’ovni aurait dû se poser. Pas au Santorini. D’ailleurs, tous les noms donnés aux commerces sonnaient bizarre : le bar le Dragon fou, le café À vos jeux, on se croirait en 1998.

Daniel Bélanger a composé toutes les chansons interprétées par INVO dans Chaos, dont Le monde est chill, des pièces qui colleraient davantage à un répertoire d’adulte contemporain qu’à celui de l’idole de la génération Z. INVO n’est pas Loud, on s’entend.

C’est dommage, car la brochette de jeunes acteurs choisis pour Chaos est impressionnante et talentueuse. Pensons à Pier-Gabriel Lajoie (Xavier), Lévi Doré (découvert dans Au secours de Béatrice), Henri Picard (Charles), Ève Lemieux (Justine), Lysandre Ménard (Eugénie), Naïla Louidort (Camille) et même le chanteur Simon Morin, qui s’est bien débrouillé dans son rôle de « star internationale ».

Il ne faut pas non plus oublier les vétérans comme Pascale Bussières, Denis Bernard, Christian Bégin, Ariel Ifergan, Claude Despins et Fanny Mallette, qui auraient bénéficié de textes plus solides.

Selon TVA, les cotes d’écoute de Chaos ont atteint 930 000 téléspectateurs, ce qui inclut les enregistrements. Il s’agit d’un score très respectable.

Solides performances d’actrices

Les actrices de Toute la vie volent la vedette depuis quelques semaines déjà. Je pense ici à Marie-Ève Beauregard, qui incarne l’adolescente Laura Filmon, celle qui porte l’enfant de son grand-père producteur Michel (Bernard Fortin). Elle est époustouflante. Mardi soir, elle a une fois de plus été renversante, oscillant entre la colère, la détresse et la vulnérabilité.

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Marie-Ève Beauregard incarne le personnage de Laura Filmon dans Toute la vie.

Pour ceux qui se posent la question, Marie-Ève Beauregard jouait également dans Alerte Amber à TVA. Elle incarnait la jeune Jasmine Robidoux, qui avait prêté sa voiture à Logan (Lévi Doré).

Autre performance marquante : celle de Tiffany Montambault, alias Margaux, enceinte pour la troisième fois avant sa majorité. C’est un rôle délicat qui aurait pu être cliché, mais non. Son interprète traduit bien toutes les nuances apportées par la scénariste Danielle Trottier.

Myriam Leblanc, qui joue la mère endettée de Margaux, vient aussi nous chercher. Son intensité, sa hargne et son affection pour sa fille, malgré tout, la rendent difficile à détester complètement. C’est de la haute voltige.

Je ramène évidemment sur le tapis tous les passages de Micheline Lanctôt, si juste en mère inadéquate, de même que ceux de Marie-France Marcotte, la bouleversante mère biologique de Tina (Hélène Bourgeois Leclerc). Mentions spéciales à Philomène Bilodeau (la rousse Mari-Jo) et Camille Felton (Rosalie), qui méritent des fleurs elles aussi. Quelle distribution, quand même.