Seigneur (ou maudit @#*& !) que la nouvelle mouture de Gossip Girl est décevante. C’est comme s’acheter un objet convoité sur l’internet, l’attendre avec fébrilité pendant des semaines, le recevoir enfin et le déballer pour se rendre compte qu’il ne ressemble en rien à la photo originale. Pouet, pouet, c’est quoi la politique de remboursement ?

Bref, Gossip Girl 2.0, c’est une série Wish. Comme dans le site web qui vend des bébelles inutiles. La photo est super belle, le prix est alléchant, mais le produit livré ne correspond pas du tout à ce à quoi on s’attendait. C’est tellement dommage. Car la première version du sulfureux soap, relayée entre 2007 et 2012, avait parfaitement capturé le zeitgeist du New York des ados fortunés avec ses abondantes références à la culture pop, sa musique pulsante, sa mode audacieuse et tous ses secrets déversés sur les têtes couronnées de l’Upper East Side.

Le problème avec la deuxième mouture de Gossip Girl, qui sort le jeudi 8 juillet sur Crave+ et le lundi 12 juillet sur Crave Super Écran, c’est qu’elle est trop gentille, trop javellisée, trop consciente de l’époque actuelle où ne pas dire la bonne chose (en public, du moins) conduit à l’excommunication.

Les quatre épisodes que j’ai vus — sur les six de la première moitié de saison — manquent cruellement de scandales et de pure vilenie.

En fait, les deux personnages les plus méchants de la série, ceux que Blair Waldorf aurait adoubés, a) sont les plus captivants et b) vivotent en périphérie de l’histoire principale, malheureusement.

Ce Gossip Girl de 2021 n’est pas un remake, mais bien un reboot. En français, cela signifie que la série conserve sa structure d’origine en y intégrant de nouveaux visages. Nous parcourons toujours les corridors feutrés de Constance Billard/Saint Jude, que fréquentent les enfants des parents les plus riches à l’est du Nevada.

La reine de la cour d’école privée s’appelle maintenant Julien — oui, il s’agit d’une jeune femme noire aux cheveux rasés — et elle fréquente le prince de New York, Obie. Mais attention, ici. Obie, le prince friqué, a une conscience sociale très aiguisée, merci. À bas le développement immobilier sauvage ! Dit celui qui habite le plus gros penthouse de l’univers. Soupir.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Dans la nouvelle version de Gossip Girl, la reine de la cour d’école privée s’appelle Julien (au centre).

Mille fois plus sympathique que Blair ou Serena, la belle Julien alimente son compte Instagram comme une Kylie Jenner sur l’Adderall. Les deux amies de Julien — soit les deux personnages les plus méchants/intéressants — agissent comme ses relationnistes en maquillant et en éclairant leur « patronne » comme si chacun de ses gestes était une séance photo pour le magazine Vogue. Vite, sortez l’anneau lumineux !

Le Chuck Bass de Gossip Girl 2.0 se prénomme Max, il est pansexuel (évidemment) et il a deux pères (allô 2021 !), dont un qui porte des robes et du maquillage. Puis il y a la recrue Zoya, 14 ans, fraîchement débarquée de Buffalo avec sa bourse d’études. Elle apporte le point de vue extérieur à ce monde doré, comme Dan Humphrey et sa sœur Jenny à l’époque.

Et Gossip Girl là-dedans ? C’est un secret que je ne dévoilerai jamais.

Elle opère maintenant sur Instagram (avec un crochet bleu). Twitter, c’est pour les conspis et les vieux. Et les blogues ? Aussi démodés qu’une couronne de fleurs à Osheaga. Ah oui, c’est toujours l’actrice américaine Kristen Bell qui fait la narration du récit, avec sa voix cristalline et reconnaissable entre toutes.

Le premier épisode dévoile rapidement l’identité de la personne qui publie les potins sur les élèves. Pour certains fans, c’est un sacrilège, puisqu’une bonne partie du plaisir consistait à deviner qui se cachait sous les traits de cette échotière aussi branchée que baveuse.

Honnêtement, de savoir qui alimente le compte Instagram de Gossip Girl ne change rien de rien à la trame narrative. Même que cette info injecte une notion de contrôle et d’influence qui n’existait pas en 2009.

Du côté des intrigues, on ne change pas, dirait Céline Dion : drogues dures, triolisme, adultères, relations clandestines et ivresse du pouvoir, le classique des ados blasés et trop bien habillés.

Ce qui change, c’est que les personnages sont pleinement conscients de leurs privilèges. Et ils le rappellent souvent aux téléspectateurs, comme pour s’excuser.

Par exemple, la clique féminine dominante claironne qu’elle ne croit pas à la hiérarchie, tout en échafaudant un plan pour bannir une de leurs consœurs de la haute société. Euh, les bottines (même signées) ne suivent pas les babines (même retouchées).

Dans un club privé, on entend une fille cool dire à une autre, moins cool : « Tu n’es pas obligée de boire, personne ne te met de pression ici » ! Bravo pour le message. Par contre, Gossip Girl sans élitisme, sans cruauté et sans bullying, c’est plate comme un seltzer de dépanneur. Et c’est trop gentil.

Je sais, ça ne se dit pas en cette ère de toxicité sur les réseaux sociaux. Mais Gossip Girl reste de la fiction — et non du documentaire. Montrer des choses odieuses dans un feuilleton ne veut pas dire qu’on les cautionne, franchement.

Après Euphoria, Generation et même Elite sur Netflix, Gossip Girl ressemble à une copie bon marché d’une robe griffée. Ça jette de la poudre aux yeux des non-initiés, mais les coutures finissent toutes par lâcher, XOXO.