L’illustrateur jeunesse et caricaturiste montréalais Jacques Goldstyn, mieux connu sous son pseudonyme de Boris, a reçu ce mardi à l’École nationale de l’humour le prix d’Artiste pour la paix (APLP).

Hasard ou coïncidence ? La caricature que Jacques Goldstyn a publié dans le quotidien The Gazette de ce mardi met en scène des secouristes ukrainiens et russes réunis en Turquie, affairés à la même tâche : sauver des vies.

« Je trouvais très drôle de représenter des Russes et des Ukrainiens alors qu’ils se lancent des bombes sur la tête, mais là ils font des pieds et des mains pour sauver une grand-mère, une petite fille ou un chat des décombres… C’est tellement absurde. C’est un peu un fantasme, mais c’est aussi la réalité puisqu’une quarantaine de pays sont présents en Turquie depuis le séisme. »

ILLUSTRATION FOURNIE PAR JACQUES GOLDSTYN

« Ému » de recevoir ce prix, Jacques Goldstyn se réjouit de cette récompense, « qui est une forme de récompense pour les dessins qu’[il fait] ». « J’aime les dessins que des enfants de 10 ans peuvent comprendre. Je rencontre souvent des jeunes dans des classes. J’y vais au moins une fois par mois, et ils sont allumés, ils voient la bêtise humaine. »

C’est un travail de pédagogue, en même temps, je m’amuse à faire ça, j’ai du plaisir. Mais il faut être tombé dedans quand tu es petit. Ça ne marche pas à la télécommande, ce truc-là. C’est une sensibilité que tu as ou que tu n’as pas.

Jacques Goldstyn

« Jamais nous n’avons fêté de caricaturiste ou de dessinateur de presse, ont écrit les APLP dans leur communiqué, et pourtant, nous devons à cette profession essentielle d’artistes la vérité quotidienne en politique, rien de moins, car c’est souvent sa seule forme tolérée dans nos médias. »

Jacques Goldstyn, influencé par les dessinateurs Cabu, Siné ou Bosc, se définit comme un pacifiste. D’ailleurs, ses dessins et caricatures – outre les journaux The Gazette, La gazette de Mauricie et L’Aut’Journal – sont publiés dans plusieurs organismes comme Amnistie internationale, Livres comme l’air ou encore Échec à la guerre.

« Pour ces organismes, je le fais de façon bénévole, donc ça vient vraiment du cœur », insiste Goldstyn. Il rappelle la mission de l’organisme Échec à la guerre, fondé en Angleterre en 1933 et représenté par un coquelicot blanc. « Il y a bien sûr des héros militaires, dont on se souvient avec le coquelicot rouge, mais le but de cet organisme est de se souvenir des civils, morts pendant la guerre. Les gens pensent qu’on est contre les militaires, ce qui n’est pas le cas. Je porte le coquelicot rouge et blanc, mais j’ai été séduit par ce mouvement, Échec à la guerre, qui dénonce, entre autres, la course aux armements. »

Quelques caricatures de Boris
  • ILLUSTRATION FOURNIE PAR JACQUES GOLDSTYN

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Il reste qu’avec la guerre menée par les Russes en Ukraine, on peut se réjouir – selon ses convictions – des armes existantes qui permettent en ce moment au petit pays de se défendre… « Bien sûr, un pays agressé a le droit de se défendre, et il faut lutter contre les tyrans. Même dans un groupe comme Échec à la guerre, il y a des dissensions, et c’est très bien. J’ai 64 ans, je sais bien qu’il ne faut pas être angélique, mais pour moi, ces personnes venues des quatre coins du monde pour venir en aide à la population turque affligée par le tremblement de terre doivent nous guider. Pas des Poutine ou des Erdoğan… »

Celui qui dessine toujours dans le magazine jeunesse Les débrouillards, mais qui s’est aussi fait connaître par sa série jeunesse Van l’inventeur (Bayard), a toujours eu cette sensibilité pour l’absurdité des conflits armés. Même son album Azadah (La Pastèque), prix du Gouverneur général en 2017, faisait le récit d’une jeune fille fuyant son pays en guerre.

La rhétorique de guerre est facile à mettre en marche. On mise sur l’ignorance des gens pour la faire avancer. Il faut mettre des grains de sable dans cet engrenage pour faire réfléchir les gens. Les caricatures peuvent avoir cet effet, d’alerter les consciences, de faire passer le message qu’on n’est pas obligé de faire la guerre à son voisin, d’investir des sommes aussi colossales dans l’armement.

Jacques Goldstyn

Outre ses dessins portant sur la guerre – et le militarisme en général –, Jacques Goldstyn aime s’attarder à des sujets « qui vont durer dans le temps ». Il évoque l’environnement, la consommation, les GAFA. « La caricature d’un ministre, je trouve ça incroyablement ennuyeux, parce que deux semaines après, on ne se rappelle même plus son nom. J’aime les sujets qu’on peut considérer dix ans après. »

Les APLP en profiteront pour rendre hommage à tous les caricaturistes, « les plus vrais des éditorialistes ». « On se souviendra avec une émotion particulière de Pascal Élie et de Berthio et on rendra hommage aux Chapleau [qui a fait l’objet d’une exposition au musée McCord], André-Philippe Côté, Garnotte, qui a pris sa retraite en 2020, Girerd, Godin, Banville, Rabagliati, Lafontaine, Phaneuf, Ygreck et les autres. »

Depuis la remise du premier prix de l’Artiste pour la paix, en 1989 à Daniel Lavoie, de nombreuses personnalités artistiques ont été récompensées, dont Anaïs Barbeau-Lavalette, Chloé Ste-Marie, Samian, Florent et Stanley Vollant, Les 7 Doigts, Dan Bigras ou encore Clowns sans frontières.