(Kharkiv) Ioulia Nestertsova et Oleg Sytnik se sont dit « Oui » le 14 février : c’est la guerre qui a permis à l’étudiante en médecine et au militaire de carrière de se rencontrer. Mais pour d’autres soldats ukrainiens, le conflit a provoqué la rupture avec leur famille.

Dans le principal hall des mariages de Kharkiv (nord-est), devant un public restreint, parmi lesquels quelques frères d’armes d’Oleg, la jeune fille de 18 ans et le soldat de 27 ont respecté à la lettre la tradition.

Ils se sont passé la bague au doigt puis, avant de signer le registre de mariage, se sont arrêtés un instant sur le « rouchnik », une bande de tissu brodée de motifs traditionnels que le couple devra conserver toute la vie.

Leurs sourires et le baiser qu’ils échangent laissent deviner la sincérité de leurs sentiments, mais Ioulia et Oleg ne se connaissaient pas il y a encore moins d’un an.

« La guerre nous a réunis. Il vient de la région de Donetsk, moi de celle de Kharkiv, on ne se serait jamais rencontrés sans elle », confie Ioulia au moment de raconter leur coup de foudre, à l’été 2022, près du lieu où le soldat était en garnison.

Depuis, le couple vit au rythme des permissions d’Oleg. Ioulia ne cache pas son « inquiétude », même si elle essaie d’imaginer un avenir aussi serein que possible. « Nous sommes plus forts ensemble. On se soucie l’un de l’autre, on attend nos retrouvailles et chaque moment est spécial », dit la jeune femme.

Plusieurs centaines de kilomètres plus à l’ouest, dans un hôpital de Kyiv, Dmytro Lynartovitch est en convalescence. Gueule cassée mais verbe haut, cet acteur de 44 ans,  au moment de raconter son histoire, ne peut s’empêcher de prendre sa guitare pour gratter quelques airs de son cru.

Plus de contact

Connu pour plusieurs rôles au cinéma, « Svit », son nom de guerre, a pris les armes dès les premières heures de l’invasion russe. Il a combattu jusqu’au 9 janvier. Ce jour-là, à Soledar (est) alors assiégée par l’armée russe, il reçoit des éclats d’obus au visage, perdant l’usage de son œil et de son oreille gauche.

Durant son évacuation, il prend son téléphone pour délivrer un vibrant message aux Ukrainiens : « Nous ne serons jamais brisés ! Gloire à l’Ukraine ! ».

Mais dans sa chambre d’hôpital au confort rudimentaire, l’acteur confie ses doutes. Il n’a plus de contact avec sa femme et ses deux jeunes fils, évacués aux États-Unis au début de la guerre.

Ont-ils vu son message ? Il n’en sait rien. « Ma femme et mes enfants, qui sont là-bas, de l’autre côté de l’océan, s’intéresseront tôt ou tard à mon état de santé. C’est ce que j’espère et ce en quoi je crois », assure-t-il.

Ses enfants, surtout, lui manquent. « La guerre nous a séparés, comme pour de nombreux Ukrainiens », glisse-t-il, disant craindre le gouffre qui pourrait se créer entre eux avec le temps : « Ils reviendront quand nous aurons la paix, mais ce sera une tout autre histoire. Parce qu’ils vont à l’école anglophone, ils rencontrent tous ces gens… »

Malgré sa blessure, Dmytro Lynartovitch ne compte pas abandonner l’armée ni sa carrière artistique, encore moins quitter l’Ukraine avant la fin de la guerre.

Alors il s’imagine les retrouvailles avec ses fils, un jour. « Ils auront certainement des questions, ils voudront demander : “Papa, comment vas-tu ? Qu’est-ce que tu fais ? […] Nous sommes des adultes maintenant, nous voulons parler ».