(Kyiv) L’Ukraine a annoncé mercredi avoir abattu plusieurs « ballons » envoyés par la Russie pour tester ses systèmes de défense antiaérienne à Kyiv, en pleine prise de conscience internationale sur l’utilisation de ces objets-espions.

« Selon les informations préliminaires, une demi-douzaine d’objets aériens ont été détectés dans l’espace aérien de Kyiv […]. Il s’agissait de ballons qui se déplacent sous l’influence du vent », a déclaré l’administration militaire régionale de la capitale ukrainienne.

« Il est possible que ces objets aient transporté des systèmes réfléchissants et certains équipements d’espionnage », a ajouté la même source, assurant que « la plupart » des ballons avaient été abattus.

La présence de ces objets volants a provoqué le déclenchement de sirènes antiaériennes dans la capitale ukrainienne, ce qui arrive généralement à l’approche de missiles.

Les autorités vont collecter les débris des objets détruits pour les analyser, a précisé l’administration militaire régionale de Kyiv, qui soupçonne la Russie d’envoyer ces ballons pour activer les systèmes de défense antiaérienne et les repérer.

Plus tôt, l’armée de l’air ukrainienne avait estimé de son côté que les Russes cherchaient à pousser les forces ukrainiennes à « gaspiller [leurs] ressources, y compris des missiles antiaériens, sur ces objets qui ne coûtent presque rien ».

« Il s’agit d’un ballon ordinaire rempli de gaz » avec « un réflecteur et un radar attachés à une ficelle », a expliqué un porte-parole de l’armée de l’air. « Mais cela reste une cible aérienne et les systèmes de défense antiaérienne sont obligés de réagir ».

Moscou n’avait pas commenté ces déclarations dans l’immédiat.

Depuis le début de la guerre il y a presque un an, les autorités ukrainiennes ont plusieurs fois fait état de ballons russes dérivant dans leur espace aérien.

Mardi, la Moldavie voisine a provisoirement fermé son espace aérien en raison de la présence d’un « objet volant ressemblant à un ballon-sonde météo », dans un contexte de vives tensions avec Moscou.

L’utilisation de ballons à des fins d’espionnage, bien qu’ancienne, fait l’objet d’une attention particulière depuis que les États-Unis ont affirmé début février avoir abattu un ballon chinois muni, selon Washington, d’équipements de surveillance. Pékin a nié tout espionnage.

Moscou revendique quelques succès sur le terrain

Les forces russes ont revendiqué quelques succès sur le champ de bataille mercredi, alors que l’invasion de l’Ukraine par Moscou peine à prendre de l’ampleur près d’un an après son début.

Le ministère russe de la Défense a déclaré que ses troupes avaient franchi deux lignes défensives ukrainiennes dans la région orientale de Louhansk et repoussé les troupes ukrainiennes sur environ trois kilomètres, les obligeant à laisser derrière elles du matériel et les corps des victimes.

Il n’a pas été possible de vérifier de manière indépendante la déclaration de Moscou. Les responsables ukrainiens n’ont pas fait de commentaire immédiat.

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Deux femmes marchent dans un parc près d’immeubles ayant été touchés par des missiles russes à Pokrovsk, dans la région du Donetsk, le 15 février 2023.

Depuis des mois, l’artillerie, les drones et les missiles russes pilonnent sans relâche les zones de l’est tenues par les Ukrainiens, frappant sans discrimination des cibles civiles et causant des destructions, alors que la guerre s’est largement ralentie pour devenir une impasse pendant l’hiver. Moscou est avide de progrès après des mois de revers.

Les régions de Donetsk et de Louhansk, qui forment ensemble la région industrielle du Donbass, à la frontière avec la Russie, continuent de subir le poids des bombardements russes, alors que Moscou aurait envoyé davantage de troupes dans la région.

À Louhansk, le nombre d’attaques terrestres et aériennes russes « augmente chaque jour », a déclaré le gouverneur Serhii Haidai à la télévision ukrainienne.

« Les Russes ont pu transférer de nouvelles forces pour l’offensive et maintenant ils essaient de nous submerger avec la pure masse humaine », a précisé M. Haidai.

Le gouverneur de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, a annoncé mercredi qu’une ville avait été la cible de tirs « ininterrompus » de lance-roquettes multiples pendant plus de trois heures la veille, endommageant au moins 12 bâtiments résidentiels.

Situation difficile à Bakhmout

Les soldats ukrainiens tiennent « fermement » leurs positions à Bakhmout, une ville de l’est de l’Ukraine où la situation est « la plus difficile » face aux troupes russes, a affirmé mercredi le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

PHOTO LIBKOS, ASSOCIATED PRESS

Des résidants marchent dans une rue enneigée de Bakhmout, le 14 février 2023.

« C’est le point le plus difficile, le plus chaud actuellement », a-t-il déclaré pendant une conférence de presse à Kyiv avec le premier ministre suédois Ulf Kristersson, en déplacement dans la capitale ukrainienne.

« Ce n’est pas facile pour nos soldats dans l’est, mais ce n’est pas pour rien qu’on parle de la “Forteresse Bakhmout”. Notre forteresse est vivante », a-t-il poursuivi, rendant hommage aux militaires ukrainiens qui « tiennent fermement » leurs positions.

Volodymyr Zelensky a également cité comme point chaud Vougledar, au sud de Bakhmout, dans la même province de Donetsk au sein de laquelle les Russes sont à l’offensive.

Mardi soir, il avait déjà fait état d’une situation « extrêmement difficile » à Bakhmout, où se déroule depuis des mois l’essentiel des affrontements et où les troupes russes ont grignoté du terrain ces dernières semaines.

Les combats approcheraient une phase critique

À l’approche du premier anniversaire de la guerre, les responsables et analystes occidentaux estiment que les combats pourraient approcher d’une phase critique, lorsque les deux parties chercheront à lancer des offensives.

Le Kremlin s’efforce de sécuriser les régions orientales qu’il a illégalement annexées en septembre dernier – les régions de Donetsk, Kherson, Louhansk et Zaporijjia – et où il affirme que son autorité est la bienvenue. Les séparatistes pro-Moscou contrôlent depuis 2014 une partie de Donetsk et la province voisine de Louhansk.

« L’ennemi, qui tente de prendre le contrôle total des régions de Donetsk et de Louhansk, continue de concentrer ses efforts principaux sur la conduite d’opérations offensives dans les régions de Koupiansk, Lyman, Bakhmout, Avdiivka et Shakhtarsk », a rapporté l’armée ukrainienne, faisant référence aux villes des deux provinces ainsi qu’à la bordure orientale de la région voisine de Kharkiv.

Au milieu des combats, des volontaires de la Croix-Rouge ukrainienne évacuent des patients immobiles des hôpitaux de Donetsk vers des trains médicaux exploités par Médecins sans frontières. Ces trains emmènent les patients vers des régions plus sûres de l’Ukraine.

Les combats épuisent les stocks d’armes des deux camps. Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a averti en début de semaine que l’Ukraine utilisait ses munitions bien plus vite que ses alliés ne pouvaient les lui fournir.

Le ministère britannique de la Défense a déclaré mercredi que la production industrielle militaire de la Russie « devient une faiblesse critique ».

Les responsables américains de la défense insistent sur le fait que l’Iran aide le Kremlin à poursuivre ses bombardements en Ukraine en lui fournissant des drones d’attaque.

Selon un groupe de réflexion américain, la défense continue par Kyiv de Bakhmout, une ville minière qui est depuis des mois une cible clé de la campagne russe dans l’est du pays, a été « stratégiquement saine », car elle a sapé l’élan de Moscou.

La défense de Kyiv a « dégradé des forces russes importantes », y compris des unités du Groupe Wagner, un entrepreneur militaire privé russe, a déclaré l’Institut pour l’étude de la guerre mardi dernier.

Certains analystes avaient douté de la sagesse de l’Ukraine de tenir à Bakhmout, car cela pourrait nuire aux chances de son offensive prévue au printemps.

Les agences des Nations unies chargées de l’aide humanitaire et des réfugiés ont déclaré mercredi qu’elles recherchaient 5,6 milliards US pour aider des millions de personnes en Ukraine et dans les pays qui ont accueilli des Ukrainiens en fuite. Ce montant comprend 1,7 milliard US pour aider quelque 4,2 millions de réfugiés qui ont fui vers dix pays d’accueil en Europe centrale et orientale.

L’appel conjoint est l’un des plus importants de ce type pour un seul pays, après ceux pour le Yémen et l’Afghanistan. Ces appels de l’ONU sont rarement financés en totalité.