(Bruxelles) Les membres de l’OTAN se sont lancés mardi dans une course logistique pour accélérer leurs livraisons d’armements et de munitions à l’Ukraine, tout en abordant la question sensible de la fourniture d’avions de combat pour lui permettre de résister à la Russie.

« La priorité, l’urgence, est de fournir aux Ukrainiens les armements qui leur ont été promis pour maintenir leur capacité de se défendre », a insisté Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance, avant une réunion du « groupe de Ramstein ».

Toutes les décisions sur les envois d’armements à l’Ukraine sont prises dans cette instance constituée et présidée par les États-Unis, à laquelle participent une cinquantaine de pays. La plupart de ses réunions se déroulent sur la base américaine de Ramstein en Allemagne.

« Nous allons fournir aux Ukrainiens les moyens de tenir et d’avancer pendant la contre-offensive de printemps », a assuré le secrétaire américain à la Défense Lloyd Austin. Il a insisté sur l’artillerie, la défense antiaérienne et les blindés, mais n’a pas cité les avions de combat dans les livraisons d’armements prévues.

« Les avions de combat ne sont pas la question la plus urgente, mais une discussion est en cours », a assuré de son côté Jens Stoltenberg.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a quant à lui insisté dans la soirée sur la nécessité de livraisons rapides d’armes à son pays, la pression militaire russe étant de plus en plus forte dans l’Est.

« L’Ukraine et ses partenaires font tout ensemble pour que l’État terroriste perde. Et pour que cela se produise le plus vite possible », a-t-il déclaré, évoquant des accords pour « plus de systèmes de défense aérienne, plus de chars, plus d’artillerie et d’obus ».

Combats « pour chaque mètre

Ces demandes ukrainiennes, régulièrement réitérées, se font plus insistantes à un moment où les troupes russes avancent peu à peu dans l’est et notamment au nord de Bakhmout, l’épicentre des affrontements depuis plusieurs mois.

Des combats acharnés se poursuivent autour de cette ville forteresse, a à cet égard constaté mardi une équipe de l’AFP.

PHOTO LIBKOS, ASSOCIATED PRESS

Des bâtiments ayant été abîmés par des bombardements russes à Bakhmout, dans la région de Donetsk.

« Bakhmout ne sera pas prise demain, parce qu’il y a une forte résistance, un pilonnage, le hachoir à viande est en action », a reconnu le patron de l’organisation paramilitaire russe Wagner, Evguéni Prigojine, dont les hommes sont en première ligne dans cette bataille.

M. Zelensky a évoqué mardi une situation « extrêmement difficile » dans les régions de Louhansk et de Donetsk, où les soldats luttent « pour chaque mètre de terre ukrainienne ».

Présent à la réunion avec les Occidentaux mardi, le ministre ukrainien de la Défense Oleksiï Reznikov a de son côté insisté à sa manière sur la demande d’avions de combat pour Kyiv en défroissant devant les caméras un foulard porté en pochette sur lequelle était dessiné un de ces appareils.

 « Il est dans son rôle, mais les Ukrainiens savent très bien qu’il faudra au moins une année pour les obtenir », a confié un des participants.

 « Tout le monde comprend que la question de la défense antiaérienne et la question du réapprovisionnement en munitions sont beaucoup plus importantes en ce moment que la discussion sur les avions de combat », a soutenu le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius.

Plusieurs annonces ont été faites à l’issue de la réunion, notamment celle de la fourniture d’un système de défense antiaérienne Mamba (SAM-T), l’équivalent du Patriot, par la France et l’Italie. Une arme qui vaut 500 millions d’euros. La France va également produire des obus de 155 mm avec l’Australie et les blindés AMX-10 promis à l’Ukraine seront livrés dans les prochains jours.

L’Allemagne a pour sa part fait état de la relance d’une ligne de production de munitions pour les chars de défense antiaérienne Gepard. Selon le quotidien Süddeutsche Zeitung, le premier contrat porte sur 300 000 munitions livrables à Kyiv à partir de juillet.

« Une guerre d’usure »

Les munitions pour les armements fournis à l’Ukraine sont devenues la priorité et le problème des alliés.

 « Il s’agit d’une guerre d’usure et d’une bataille logistique », a insisté M. Stoltenberg. Le président russe « Vladimir Poutine ne se prépare pas à la paix. Il se prépare à une nouvelle offensive, à de nouvelles attaques ».

Les États-Unis ont annoncé mardi avoir octroyé un contrat d’armement pour plus d’un demi-milliard de dollars afin de produire des obus de 155 mm destinés à être livrés à l’Ukraine.

Les commandes, passées fin janvier par le Pentagone au profit de Northrop Grumman et Global military products, totalisent 552 millions de dollars. Les premières livraisons sont attendues dès mars.

L’annonce de Washington intervient au moment où les craintes se font croissantes sur un épuisement des stocks d’armes des pays occidentaux et particulièrement des États-Unis, qui depuis un an multiplient les prélèvements dans les stocks existants de son armée pour aider celle de Kyiv à combattre l’invasion russe.

Cette commande relève d’une démarche différente : les armements livrés à l’Ukraine sont produits directement pour eux, sur un budget américain.

Dans l’est de l’Ukraine, les armées russes et ukrainiennes peuvent tirer des milliers d’obus par jour, jusqu’à 20 000 quotidiennement pour les Russes, avait estimé en novembre un responsable américain.

Le chef de l’OTAN avait averti lundi que l’Ukraine utilisait plus de munitions que l’Alliance ne pouvait en produire. « Cela épuise nos stocks et met nos industries de défense sous pression », a dit M. Stoltenberg.

Le calendrier pour la fourniture des armements et la formation des unités ukrainiennes en Europe est devenu un enjeu majeur dans ce conflit lancé en février 2022.

 « Les Russes n’ont aucune inhibition sur leurs pertes. L’offensive est lancée avec une masse de combattants et cela provoque des tensions et des difficultés sur le terrain », a souligné un des participants.

La cadence des formations des militaires ukrainiens en Pologne s’est accélérée avec l’objectif d’avoir trois bataillons pour l’été, a-t-il précisé.