Le renommé architecte israélo-canadien Moshe Safdie rentre à la maison, d’une certaine manière. Celui à qui l’on doit l’iconique Habitat 67 a décidé de léguer toutes ses archives professionnelles à l’Université McGill, là même où il a été formé en architecture.

« C’est un jour très émouvant pour moi », a-t-il lancé au cours d’une conférence de presse au pavillon Redpath de l’université, mardi matin, alors qu’une pluie diluvienne s’abattait à l’extérieur. Et pour cause, puisque le don à l’Université McGill résume le travail d’une vie entière : il inclut plus de 100 000 pièces, dont des croquis, des maquettes, ou encore de la correspondance tirés de plus de 300 projets situés aux quatre coins du monde.

Mais encore et surtout, Safdie lègue à McGill sa propre unité d’Habitat 67, composée de quatre modules, qui servira notamment à la recherche universitaire, à des artistes en résidence ou à des expositions. « Je trouve important que l’unité fasse partie des archives, parce que c’est un élément physique. Les gens peuvent la visiter, les étudiants peuvent y aller et y tenir des conférences, par exemple. »

Rappelons que l’immense complexe de logements, construit dans la foulée de l’Exposition universelle de 1967, a été inspiré du projet de fin d’études de Safdie alors qu’il était étudiant à McGill, nommé A Case For City Living.

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Moshe Safdie sur le chantier d’Habitat 67, en 1966.

L’architecte qui habite aujourd’hui à Boston a vécu dans deux unités différentes du complexe, l’une pendant l’expo et l’autre par la suite. La deuxième, celle qu’il lègue, a d’abord appartenu au commissaire général d’Expo 67, Pierre Dupuy. Charles de Gaulle y aurait même fait une halte pour s’y reposer lors de son passage cette année-là !

Mais pour Safdie, c’est surtout là qu’il a élevé ses enfants jusqu’à ce qu’il parte pour Harvard, en 1978. « Hier, j’y suis allé avec ma fille, et elle est retournée dans son ancienne chambre », raconte-t-il. Sa fille, également architecte, est aujourd’hui âgée de 61 ans. « Cela me rend particulièrement heureux que l’appartement fasse partie du domaine public. Et qu’il soit inclus dans les archives rend le tout tellement plus vivant », résume le père, lui-même âgé de 84 ans.

Pourquoi Montréal ?

Il peut paraître étonnant que Moshe Safdie ait choisi de laisser les traces de son travail ici, lui qui a travaillé à plusieurs endroits dans le monde, dont en Israël, en Asie et aux États-Unis. Il y avait effectivement d’autres intéressés, laisse-t-il entendre, mais disons que Montréal avait su manifester son intérêt bien à l’avance. « La première fois que McGill m’a approché à ce sujet, c’était il y a 30 ans ! », dit-il en riant. Mais aussi, il affirme être reconnaissant du soutien que le Canada lui a toujours témoigné, en plus de lui avoir donné sa première chance.

Car en plus d’Habitat, on lui doit énormément d’architecture institutionnelle d’ici, dont le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa, le Musée de la civilisation à Québec, ou encore le pavillon Jean-Noël Desmarais du Musée des beaux-arts de Montréal. « C’est une histoire d’amour continue », résume-t-il en guise de conclusion, avant de promettre de travailler très fort pour produire encore plus de documents !