Rejetée en octobre 2021, une action collective contre Google Photos qui toucherait la majorité des Québécois renaît. Le 28 septembre dernier, la Cour d’appel a en effet rabroué le juge de première instance et lui a renvoyé le dossier. L’action collective, cette fois, pourrait être autorisée.

« Les enjeux sont significatifs, estime MJean-Philippe Caron, du cabinet Calex Legal, qui pilote le dossier au nom d’un usager de Vaudreuil-Dorion, Michael Homsy. On parle beaucoup de l’impact de la technologie dans nos vies. Pour moi, c’est un exemple parfait de service gratuit qui permet à une entreprise de bâtir une nouvelle technologie. »

Lancée en 2015, l’application Google Photos, qui appartient au géant des moteurs de recherche du même nom, permet d’analyser les images et d’étiqueter les personnes y apparaissant en recourant à une technologie de reconnaissance faciale appelée FaceNet.

46 % du marché

En janvier 2021, M. Homsy expliquait dans sa demande en action collective avoir acheté un téléphone Android en mars 2020 et avoir transféré 5500 photos vers Google Photos. « En aucun temps, le demandeur ne savait que le défendeur [Google] extrayait, collectait, stockait et utilisait les données faciales biométriques de ses photos, peut-on lire. Le demandeur n’en a été avisé […] qu’en janvier 2021. »

Il demandait à la Cour supérieure de condamner Google pour avoir notamment enfreint le Code civil du Québec, la Charte des droits et libertés et la réglementation canadienne concernant la protection des renseignements personnels.

Comme Google Photos est installé par défaut dans les appareils Android, environ 46 % du marché au Québec, et que cette action collective touche en outre toutes les personnes photographiées, une écrasante majorité des Québécois sont concernés par cette procédure.

En octobre 2021, le juge Donald Bisson, de la Cour supérieure, a cependant rejeté la demande. Il estimait que ce qu’on reproche à Google est « général, vague, incomplet et non appuyé [par des faits] ».

Michael Homsy et ses avocats ont porté la cause en appel. Très fouillée et technique, la décision de 17 pages de la Cour d’appel rendue le 28 septembre dernier mentionne à quelques reprises les erreurs du juge Bisson.

« Le juge s’est enlisé dans un faux débat portant sur l’absence de preuve que FaceNet soit réellement le programme derrière Google Photos », peut-on lire. Le juge « commet une erreur » quand il exige de M. Homsy qu’il fasse la preuve que Google viole la vie privée des utilisateurs sans consentement suffisant.

Trop exigeant

Le cœur du débat, en fait, c’est que les tribunaux canadiens, la Cour suprême au premier chef, ont grandement facilité au fil du temps les autorisations d’action collective. À cette étape, il suffit maintenant de démontrer « que sa cause est défendable au moyen d’allégations », résume la Cour d’appel. Le juge Bisson « a erré en droit en imposant un niveau de preuve qui dépasse largement celui applicable à la demande d’autorisation », estime-t-on.

La Cour d’appel renvoie donc le dossier devant le juge Bisson afin qu’« il tranche des questions dont il n’a pas traité dans son premier jugement », notamment la question du consentement des utilisateurs et des personnes photographiées. S’il estime les prétentions de M. Homsy suffisantes, à la lumière des consignes plutôt explicites de la Cour d’appel, l’action collective sera autorisée et le tribunal pourra débattre du fond de la question. Google a 60 jours pour porter la cause en appel devant la Cour suprême.

Le 28 septembre 2022, Google avait accepté un règlement de 100 millions US visant Google Photos et touchant quelque 420 000 résidants de l’État de l’Illinois. L’année précédente, dans le même État, c’est Facebook qui avait dû débourser 650 millions US pour sa technologie de reconnaissance faciale.