Un gérant de bar, résidant de Dollard-des-Ormeaux, a reconnu mardi, au palais de justice de Montréal, avoir blanchi 18 millions de dollars d’argent sale en à peine 10 mois, en 2020.

Andrew Barera, 37 ans, a été arrêté en 2022 à l’issue d’une importante enquête baptisée Carnet, menée par l’Unité mixte d’enquête sur les produits de la criminalité de la Division C (Québec) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Selon des documents judiciaires publics obtenus par La Presse, l’enquête avait débuté en mars 2020 à la suite d’une demande d’assistance de la Drug Enforcement Administration (DEA) de la région de Boston, aux États-Unis, qui devait cueillir de l’argent auprès d’un homme inconnu du secteur de Laval pour ensuite le transférer à un groupe d’exportateurs de cocaïne de la Colombie.

Le 13 mars 2020, jour du déclenchement des mesures d’urgence contre la pandémie de COVID-19 au Québec, un agent d’infiltration de la GRC a rencontré le résidant de Laval – identifié plus tard comme étant Yan Trépanier –, qui lui a remis 560 000 $ en argent et la moitié d’un billet de banque déchiré.

L’utilisation d’un billet de banque déchiré (appelé token dans le milieu criminel) est une pratique répandue dans le blanchiment d’argent : la personne qui a reçu l’argent le donne ensuite à celle qui doit ultimement recevoir la somme, et qui a l’autre partie du billet ; cela lui permet d’être sûre de la remettre au bon individu.

De fil en aiguille

Après que leur agent double a reçu les 560 000 $, les enquêteurs de la GRC ont commencé à suivre Yan Trépanier et ce dernier les a menés à Andrew Barera.

PHOTO TIRÉE D’UN DOCUMENT JUDICIAIRE

Andrew Barera

Ils se sont mis à filer Barera et l’ont observé, durant plusieurs semaines, se rendre dans des stationnements, des commerces, dont certains liés à la mafia montréalaise, et des comptoirs de bureau de change.

Ils l’ont vu rencontrer plusieurs personnes, dont certaines liées à différentes branches du crime organisé, et recevoir ou remettre des sacs lors de ces rencontres.

Durant les filatures, Barera a fréquemment été observé alors qu’il entrait dans un condo d’un immeuble de la rue Saint-Louis, dans l’arrondissement de Saint-Laurent à Montréal, ou en sortait.

Au cours de l’enquête, les policiers sont entrés subrepticement à cinq reprises dans ce condo à peine meublé, où ne se trouvait aucune nourriture ni aucun vêtement.

Ils ont notamment découvert une somme de 46 000 $ en argent, mais surtout des calepins dans lesquels étaient inscrites d’importantes sommes d’argent et des dates.

À plusieurs de ces dates, les policiers ont vu Barera remettre ou recevoir un sac lors d’une rencontre avec une autre personne, et les limiers ont pu relier ces rencontres avec les inscriptions de transactions contenues dans les calepins.

« On parle d’un flux monétaire de 18 millions en à peine 10 mois. M. Barera reconnaît que tous ces montants sont issus des fruits de la criminalité. Il reconnaît qu’il est la seule personne qui a écrit cette comptabilité vérifiée par la filature », a résumé le procureur fédéral Philippe Legault après l’audience.

Deux pistolets et des munitions

Durant leur dernière fouille dans le condo de la rue Saint-Louis, les enquêteurs de la GRC ont aussi trouvé deux pistolets Glock et des munitions.

PHOTO FOURNIE

Avec ce pistolet Glock, les policiers ont trouvé un silencieux et un chargeur contenant 13 balles.

Un complice de Barera, Michael-Joey D’Opéra, technicien informatique de 28 ans, a plaidé coupable à des chefs de possession concernant ces deux armes de poing.

PHOTO TIRÉE D’UN DOCUMENT JUDICIAIRE

Michael-Joey D’Opéra

Les deux hommes, qui n’ont pas d’antécédents judiciaires, recevront leur peine en janvier prochain. « Préparez-vous à aller en prison », a dit le juge Pierre Dupras, de la Cour du Québec.

MIsabelle Teolis représente Andrew Barera alors que MLouis Belleau défend Michael-Joey D’Opéra.

Le dossier de Yan Trépanier, qui est accusé de complot pour l’importation de substance, n’est pas encore réglé et doit retourner en cour le mois prochain.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.