Une unité de recherche en génie lunaire, Astrolith, a été lancée en janvier à Polytechnique Montréal. Unique au Canada, elle regroupe l’expertise des sept départements de l’école pour développer des technologies pour les infrastructures et l’exploitation des ressources spatiales et cislunaires. Cofondateur et directeur d’Astrolith, Giovanni Beltrame, professeur au département de génie informatique et génie logiciel à Polytechnique Montréal, répond à nos questions.

Pourquoi avoir créé Astrolith maintenant ? Est-ce lié au programme Artemis de la NASA qui prévoit envoyer des astronautes sur la Lune en 2026 ?

Il y a beaucoup d’intérêt pour la Lune en ce moment. Le programme Artemis de la NASA, qui mise sur une collaboration internationale dont fait partie l’Agence spatiale canadienne, veut créer un établissement permanent sur la Lune. Pour y arriver, il faut relever rapidement de nombreux défis techniques. Beaucoup de travail se faisait déjà à Polytechnique concernant l’espace dans le domaine des matériaux, en informatique et en géotechnique. Mais pour travailler concrètement pour aller vers la Lune, il faut briser les silos pour travailler ensemble.

Quels sont les types de technologies développées grâce à Astrolith ?

Il y en a plusieurs. Par exemple, en géotechnique, on regarde comment on peut faire de la prospection automatique, donc savoir quelle sorte de terrain on a et comment il va se déformer si on y met un bâtiment. En génie des matériaux, on regarde comment on peut prendre la poussière sur la Lune et la faire fondre pour fabriquer des briques. D’autres travaillent sur l’impression 3D qu’on pourrait faire avec les matériaux qu’on trouve sur la Lune. Ou encore, d’autres cherchent l’eau qui est indispensable pour les gens et pour fabriquer du carburant.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Giovanni Beltrame, professeur au département de génie informatique et génie logiciel à Polytechnique Montréal

Vous qui êtes un ancien ingénieur en microélectronique de l’Agence spatiale européenne, sur quoi travaillez-vous en ce moment ?

Je travaille sur les systèmes intelligents, plus particulièrement sur leur autonomie. L’environnement est très difficile sur la Lune parce que contrairement à la Terre, elle n’a pas de satellites autour qui donnent le GPS. Il faut trouver des façons pour que les systèmes perçoivent leur environnement de façon autonome pour se repérer. Pour être efficace, il faut pouvoir envoyer plusieurs systèmes qui pourront travailler en parallèle en se coordonnant, par exemple pour explorer une zone.

Est-ce que ces travaux pourraient aussi nous aider sur la Terre ?

La devise d’Astrolith, c’est Ad Lunam pro Terra (Vers la Lune pour la Terre). Toutes les technologies développées pourront être utilisées sur la Terre pour s’attaquer à de grands enjeux comme les changements climatiques. Par exemple, nous développerons des structures résilientes pour la Lune que nous pourrons utiliser aussi sur la Terre. Nos robots qui consomment peu d’énergie pourraient lutter contre les incendies de forêt, récupérer les déchets de l’industrie minière et entretenir des infrastructures d’énergie propre, comme des éoliennes.

En quoi cette unité de recherche est-elle importante pour la formation des ingénieurs de demain ?

Nous n’avons pas encore de programme d’enseignement, mais nous souhaitons offrir une série de cours liés aux technologies qu’on développe pour la Lune afin de permettre de se spécialiser dans le domaine. Nous souhaitons aussi offrir des séminaires grand public et aller dans les écoles pour intéresser les jeunes à ce que nous faisons.