Parce qu’elle se développe à la vitesse grand V, l’intelligence artificielle (IA) est souvent abordée par les questions d’éthique et de gouvernance. Mais elle est aussi à l’origine de progrès et de succès spectaculaires dans les entreprises – et au Québec aussi, ça va vite.

Le saviez-vous ? La technologie déployée par l’intelligence artificielle a permis la découverte d’une nouvelle classe d’antibiotiques en décembre dernier au Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Boston. Il s’agit d’une première en 60 ans.

Voilà un exemple de la capacité impressionnante de l’IA. Elle gère et traite des données à une vitesse extraordinaire, à un point tel qu’elle peut devenir un outil puissant, peu importe le secteur et la taille de l’entreprise.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Julien Billot, directeur général de Scale AI

« L’un des grands bénéfices de l’intelligence artificielle est qu’elle permet de mieux prédire ce qui va se passer et de prescrire les actions à prendre », dit Julien Billot, directeur général de Scale AI, la supergrappe d’IA au Canada, qui a financé plus de 120 projets en entreprise, d’une valeur de près de 600 millions de dollars, depuis sa fondation en 2019.

Selon lui, pour chaque dollar investi ou chaque employé, l’IA décuple la production et les profits. « Elle aide à faire mieux avec moins. Dans un contexte de pénurie d’emplois, ce n’est pas inintéressant. »

Valorisation et organisation

Amanda Arciero, vice-présidente des opérations chez Airudi, une entreprise montréalaise créée en 2018 qui développe des plateformes d’aide à la décision propulsées par l’IA, va plus loin : « Cela peut mener à une revalorisation des compétences des employés, note-t-elle, puisqu’avec l’intelligence artificielle, on optimise les processus et on enlève tout ce qui est chronophage. La main-d’œuvre peut se concentrer sur ce qui est important. »

Celle qui a cofondé Airudi croit que l’IA améliore l’organisation du travail et aide les entreprises à atteindre leur plein potentiel.

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Amanda Arciero, vice-présidente des opérations chez Airudi

Tout part d’une douleur, d’une problématique au sein de l’entreprise. En mettant à profit nos données, on peut intégrer la technologie et prendre le virage de la transformation numérique. Cela dépend des priorités de l’entreprise et de son ouverture.

Amanda Arciero, vice-présidente des opérations chez Airudi

Elle cite en exemple les activités du port de Montréal : avec l’Association des employeurs maritimes, Airudi a créé un programme qui permet de prédire l’arrivée des navires. Cela facilite l’anticipation et la planification. « On peut savoir quelle est la bonne quantité de main-d’œuvre à avoir sur place, au bon moment », dit Mme Arciero, qui précise que le projet, qui date de décembre dernier, est tout nouveau.

Secteurs variés

Dans le domaine de la santé, l’IA est en train de créer une petite révolution entre autres grâce à des analyses d’imageries très fines et poussées, et à la gestion des patients, aux urgences par exemple.

« On peut penser à l’optimisation des soins en prédisant le flux de patients, indique Julien Billot, selon la météo, les évènements, les paramètres et toutes les données entrées. »

Les entreprises du domaine du traitement du langage comme les boîtes de publicité, les médias d’information, les firmes juridiques ou de conseils peuvent être facilement aidées par l’IA.

C’est ce que souligne Valérie Pisano, présidente et cheffe de la direction de Mila, l’institut québécois d’intelligence artificielle. Selon elle, les entreprises qui sont déjà numériques, comme les banques, les compagnies d’assurances, les sociétés industrielles ou les entreprises du domaine de l’énergie, sont aussi susceptibles d’être poussées par l’IA.

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Valérie Pisano, présidente et cheffe de la direction de Mila

Il ne faut pas oublier que notre monde est déjà numérique, je dirais à 90 %, si on pense aux plateformes sur lesquelles on agit et interagit. L’intelligence artificielle peut se déployer très rapidement à travers ces canaux puisque le chemin est déjà tracé. Les usagers et la technologie sont là... et les investissements aussi !

Valérie Pisano, présidente et cheffe de la direction de Mila

Aucun encadrement

Ce ne serait donc que le début ? Julien Billot le croit. « On n’est qu’au commencement des possibilités de l’intelligence artificielle », signale-t-il.

Mme Pisano croit elle aussi à l’utilisation bénéfique de l’IA, mais elle soulève un doute quant à la direction : des règles claires sont à définir, le plus tôt le mieux, dit-elle. « On est à l’intersection de trois choses : la recherche, l’innovation et la gouvernance, que je pourrais appeler la responsabilité. La trajectoire prise par l’intelligence artificielle s’accélère. Aucun chercheur au monde ne peut prédire en ce moment où ça s’en va... »

Aucune loi n’encadre l’utilisation de l’IA au Canada. Le comité permanent de l’industrie de la Chambre des communes examine actuellement le projet de loi C-27 qui va en ce sens.

Rappelons qu’en octobre dernier, de nombreux experts de partout dans le monde, dont la sommité montréalaise Yoshua Bengio, ont publié un document pressant les gouvernements du monde entier d’agir pour encadrer l’IA, entre autres en réclamant une pause des recherches et des investissements majeurs en sécurité, de la part des autorités et des entreprises.